Droit du travail

Enregistrement de la durée de travail : ce qui va changer à partir du 1er janvier 2016.

A partir du 1er janvier 2016, deux nouveaux articles vont être introduits dans l’Ordonnance 1 relative à la loi sur le travail (OLT 1) du 10 mai 2000. L’article 73a OLT1 introduit une possibilité de renoncer à l’enregistrement de la durée du travail et l’article 73b introduit l’enregistrement simplifié de la durée du travail.


Si le titre de ces deux articles laisse penser qu’un assouplissement majeur est apporté à l’obligation d’enregistrement de la durée du travail, en réalité, la portée de ces nouveaux articles est, selon nous, limitée par les conditions très strictes posées par le législateur.


Actuellement, il existe, en matière d’enregistrement de la durée du travail, trois régimes distincts :


1) Régime 1 : Les employés non soumis à la Loi sur le travail (LTr) dont la durée du travail n’a pas à être enregistrée.


La LTr ne s’applique en effet pas à certaines entreprises et ne s’applique pas à certaines catégories de travailleurs, soit notamment les travailleurs qui exercent une fonction dirigeante élevée.


2) Régime 2 : Tous les autres employés dont la durée du travail doit être enregistrée.


Pour ces employés, l’article 46 LTr pose le principe selon lequel l’employeur doit tenir à la disposition des autorités d’exécution et de surveillance les registres ou autres pièces contenant les informations nécessaires à l’exécution de la loi et des ordonnances.


L’article 73 OLT1 détaille, quant à lui, les données qui doivent apparaître dans les registres ou autres pièces, soit notamment les durées (quotidienne et hebdomadaire) du travail effectivement fourni, travail compensatoire et travail supplémentaire inclus, les jours de repos ou de repos compensatoire, l’horaire et la durée des pauses d’une durée égale ou supérieure à une demi-heure, etc.


Il est cependant admis que l’employeur n’a pas l’obligation de tenir des registres particuliers mais les informations requises doivent être contenues dans des documents existants (par exemple registre du personnel, contrôle de la durée du travail, carte de pointage, rapport de travail des travailleurs) et doivent pouvoir être présentées aux autorités sous une forme compréhensible et structurée.


L’enregistrement ne doit donc pas nécessairement avoir lieu au moyen d’une timbreuse. D’autres moyens sont admis, par exemple la prise en compte du moment de la connexion informatique comme heure du début du travail, la tenue manuscrite d’un tableau Excel, etc.


3) Régime 3 : L’enregistrement simplifié


Cette variante découle d’une directive de décembre 2013 du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO).


En tenant compte du marché et de la réalité économique, le SECO a très justement considéré que la nécessité de consigner toutes les informations mentionnées à l’article 73 OLT1 ne doit pas être la même pour toutes les catégories d’employés.


L’enregistrement simplifié de la durée du travail, tel que présenté par le SECO dans sa directive, concerne les employés qui disposent d’une large marge de manœuvre dans leur travail et qui peuvent décider eux-mêmes du moment où ils travaillent. Ils ne doivent cependant pas effectuer régulièrement du travail de nuit.


Pour le SECO, sont concernés les cadres disposant du pouvoir de donner des instructions, les chefs de projets dont la direction de projets est la tâche exclusive ou d’autres mandataires responsables du résultat de leur activité.


Pour que l’enregistrement simplifié s’applique, un accord entre l’employé et l’employeur est nécessaire. De plus, la question de la charge de travail au cours de l’année écoulée doit être abordée à la fin de chaque année lors d’un entretien consigné.


C’est alors seulement la durée quotidienne et hebdomadaire du travail qui doit être enregistrée. De plus, les notes relatant les termes de l’entretien de fin d’année doivent pouvoir être mises à la disposition des autorités.


A partir du 1er janvier 2016 et l’introduction des articles 73a et 73b OLT1, quatre régimes distincts vont désormais coexister :


1) Régime 1 : Les employés non soumis à la LTr dont la durée du travail n’a pas à être enregistrée. Ce régime existe déjà.


2) Régime 2 : L’enregistrement systématique de la durée du travail. Il s’agit du système de base qui existe déjà.


3) Régime 3 : L’enregistrement simplifié (article 73b), soit l’enregistrement uniquement de la durée quotidienne du travail fourni : cette variante a été introduite par la directive du SECO de 2013 susmentionné. Cependant, la loi pose désormais des conditions très strictes à son application pour les entreprises de plus de 50 collaborateurs.


Pour les entreprises employant moins de 50 collaborateurs, l’employeur peut introduire l’enregistrement simplifié uniquement par un accord individuel avec chaque employé concerné.


Si l’entreprise a plus de 50 collaborateurs, un accord individuel est insuffisant et l’enregistrement simplifié ne peut être instauré qu’en accord avec la majorité des employés.


L’accord doit ainsi être conclu entre les représentants des travailleurs au sein de la société ou d’une branche et l’employeur. Un syndicat déjà implanté dans la société ou la commission interne du personnel est considéré comme un représentant des travailleurs.


Si de tels représentants n’existent pas, une commission du personnel peut être mise en place conformément à la Loi fédérale sur l’information et la consultation des travailleurs dans les entreprises (Loi sur la participation). Il est également possible de demander aux employés de désigner un groupe de projet ad hoc pour la négociation de l’accord.


L’enregistrement simplifié ne peut cependant concerner que les employés qui disposent d’une certaine autonomie dans la détermination de leurs horaires de travail. Cette condition est remplie si l’employé peut disposer d’une partie significative de son temps de travail, soit au moins ¼ de celui-ci. Il s’agit en principe des cadres moyens ou des personnes exerçant des fonctions non liés à la production ou la fourniture de prestation de l’entreprise et qui disposent de liberté dans leur horaire.


L’accord conclu doit prévoir quelle catégorie d’employés ou quels postes dans la société disposent de l’autonomie requise.


Même si un accord est conclu, un employé peut décider individuellement d’enregistrer la durée de son travail. Dans ce cas, l’employeur a l’obligation de mettre à disposition de l’employé un instrument approprié pour ce faire.


4) Régime 4 : La renonciation à l’enregistrement (article 73a) : cette variante est nouvelle. La loi pose cependant des conditions très strictes à son application quelle que soit la taille de l’entreprise et le nombre d’employés.


La renonciation à l’enregistrement doit en effet impérativement remplir les conditions cumulatives suivantes :


• La renonciation doit être prévue dans une convention collective.
• La renonciation ne peut concerner que les employés ayant une grande autonomie dans l’organisation de leur travail et qui peuvent dans la majorité des cas fixer eux-mêmes leur horaire de travail.
• Les employés doivent percevoir un salaire annuel brut dépassant CHF 120’000.-, bonus compris.
• Les employés doivent renoncer par écrit et individuellement à l’enregistrement de la durée de leur travail.


Au notre sens, si la directive du SECO de décembre 2013 allait dans la direction d’un assouplissement de l’obligation d’enregistrement de la durée du travail et tenait compte de la réalité économique, le législateur semble en réalité avoir fait aujourd’hui un pas en arrière.


En effet, si le titre des nouveaux articles 73a et 73b OLIT1 laisse penser à un assouplissement encore plus important, les conditions posées par le législateur à leur application sont tellement strictes que leur portée est tout à fait limitée. De plus, il faut craindre que la mise en place d’un enregistrement simplifié ou d’une renonciation à l’enregistrement pour les sociétés de plus de 50 employés et en l’absence de convention collective sera très compliquée en pratique.



Auteur : Sandra Gerber, avocate (20.11.15)

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