Communications

Les autorités françaises tentent de contourner les règles de l’entraide judiciaire en matière pénale

Deux situations récentes méritent d’être signalées :

Le premier cas, le plus grossier, est celui où des autorités françaises, en charge d’enquêtes policières ou administratives, s’adressent directement à des personnes physiques ou morales domiciliées ou établies en Suisse, pour leur enjoindre à fournir des renseignements, à produire des documents, à se soumettre à des investigations. On a ainsi surpris un officier de police judiciaire française à envoyer un courrier électronique au responsable d’une fiduciaire pour obtenir des renseignements au sujet d’une société détenue par un client de la fiduciaire. Le plus benoîtement du monde, il était demandé de prendre contact par téléphone, pour répondre à quelques questions…

Comme variante, il est aussi arrivé à une responsable d’un office de la Sécurité sociale française de notifier directement à une personne domiciliée en Suisse un ordre de paiement de cotisations dues à raison d’un emploi soi-disant exercé en France.

Il semble que l’on oublie parfois, outre-Jura, que la Suisse n’est pas un département français.

Le trait commun de ces deux interventions est de violer la souveraineté suisse et de constituer une infraction à l’art. 271 CP, qui interdit l’exécution sans autorisation sur le territoire suisse d’actes de puissance publique pour le compte d’un Etat étranger. L’exécution d’actes d’enquête ou la notification de décisions en Suisse pour le compte de la police ou de l’administration française sont des actes de puissance publique prohibés au sens de l’art. 271 CP.

Le deuxième cas est survenu dans l’application de la condition de la double incrimination. A l’appui de demandes d’entraide judiciaire, les autorités françaises ont fait valoir que les personnes poursuivies en France l’étaient pour des délits dits sociaux, comme le fait de ne pas déclarer aux organes de la Sécurité sociale des activités soumises à cotisation, d’employer du personnel sans autorisation, ou de cacher le produit de telles opérations consistant à éviter le paiement de contributions sociales. Sont invoquées dans ce cadre les dispositions du Code du travail ou du Code de la sécurité sociale. La demande d’entraide française tend à la production de la documentation relative aux comptes bancaires sur lesquels le produit de ces délits aurait été acheminé, étant précisé que souvent, ces comptes ne sont pas identifiés et que l’on demande la production de toute la documentation bancaire. Le risque est alors grand de voir l’autorité d’exécution recueillir toute sorte de renseignements et d’informations qui n’ont rien à voir avec l’objet de la demande.

Cette tendance des autorités françaises à agir sur le plan des contributions sociales peut provenir du fait que leur intention réelle est d’investiguer sur la situation fiscale de certains particuliers. Or la Suisse n’accorde pas l’entraide en matière pénale pour des délits fiscaux (sous la seule réserve des délits fiscaux aggravés, impliquant l’usage de faux ou présentant les traits d’une escroquerie fiscale).

Le seul conseil que l’on peut donner est de ne pas répondre à des demandes de renseignements, de communication d’informations ou à des notifications officielles, mais de les signaler à l’Office fédéral de la justice, comme autorité de surveillance en matière d’entraide judiciaire pénale.

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