Droit des sociétés

Restrictions de la transférabilité des actions nominatives : tout ne peut pas figurer dans les statuts

Certains actionnaires ou membres du conseil d’administration d’une société anonyme de droit suisse pourraient être tentés de faire figurer dans les statuts de la société différentes dispositions restreignant le transfert d’actions nominatives. En cela, ils espèrent être mieux protégés, car ce qui figure dans les statuts est public et peut être opposé à tout tiers, même de bonne foi.


Cette pratique a été souvent admise par le passé et l’on trouve encore des statuts de sociétés anonymes prévoyant des dispositions précisant à quelles conditions précises, souvent étroites, et dans quelles circonstances les actions nominatives composant le capital-social peuvent être transférées.
Ceci n’est toutefois pas correct en droit actuel car ces dispositions se heurtent au texte clair de l’article 685b CO.


Cet article précise tout d’abord quelles sont les dispositions qui peuvent restreindre la transférabilité des actions nominatives. Mis à part le cas où l’acquéreur refuse de confirmer qu’il acquiert les actions en son nom ou pour son propre compte, la loi en prévoit deux et seulement deux, soit :


  • Premièrement, la loi prévoit que le transfert peut être restreint pour un « juste motif ». L’article 685b alinéa 2 CO stipule que l’on peut entendre par « juste motif » le respect de l’indépendance économique de la société ou la poursuite de son but social eu égard à la composition de l’actionnariat de la société. Ainsi, il est valable en droit pour la société de se prémunir contre la cession d’actions par un actionnaire à un concurrent de cette société ou à un tiers dont il est justifié de penser qu’il pourrait nuire ou atteindre à la poursuite du but statutaire de la société, s’il fait partie de l’actionnariat.
  • Deuxièmement, l’article 685b CO stipule que la société peut en tout temps éviter le transfert d’actions à un tiers en offrant à l’actionnaire cédant de lui racheter ses actions à leur valeur réelle. Les dispositions légales pour actions propres restent cependant applicables. La société peut toutefois également exercer ce droit non seulement pour elle-même, mais pour d’autres actionnaires ou même pour des tiers.


Ces deux cas mis à part, les statuts ne peuvent comporter d’autres clauses restreignant le transfert d’actions nominatives comme des clauses accordant aux autres actionnaires un droit de préemption ou un droit de premier refus. C’est ce que confirme l’alinéa 7 de l’article 685b CO.


Ces clauses ne peuvent figurer que dans une convention d’actionnaires signée entre les actionnaires. Cette convention est un contrat privé entre les actionnaires. La société peut y être partie, mais cela n’est pas nécessaire ni même forcément conseillé.


Les clauses de cette convention d’actionnaires ne seront donc pas opposables à des tiers de bonne foi qui n’en n’auraient pas eu connaissance et qui se trouveront donc protégés, même si l’acquisition à laquelle ils ont été parties viole les termes de la convention d’actionnaires.


Par ailleurs, ce régime n’est applicable qu’au transfert d’actions nominatives, celui d’actions au porteur restant plus libéral, l’article 685b CO ne s’appliquant à notre sens pas à ces dernières, permettant d’insérer dans les statuts des clauses plus restrictives concernant la transférabilité de ce type d’actions, cela de pair avec le régime nouvellement institué par les articles 697i et suivants CO.


WILHELM Avocats SA – Me Christophe Wilhelm – 5 juin 2019

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