Droit des sociétés Litiges en droit commercial

Pour le Tribunal fédéral, le coup de l’accordéon n’est parfois pas suffisant !

L’article 732a CO, entré en vigueur en droit suisse le 1er janvier 2008, codifie une pratique d’assainissement consistant à réduire le capital-actions à zéro et à l’augmenter à nouveau.


Selon cette disposition, les droits des actionnaires sont supprimés définitivement par la réduction du capital, ces derniers pouvant, s’ils le souhaitent ou s’ils le peuvent, souscrire à l’augmentation subséquente. Il s’agit donc d’une mesure radicale, en quelque sorte d’un « remède de cheval », qui peut mener à la disparition totale de leur investissement « s’ils ne suivent pas ». Pour cette raison, une telle mesure doit être maniée avec précaution, car elle peut aboutir à priver certains actionnaires, en particulier les actionnaires minoritaires, de certains de leurs droits fondamentaux.


C’est ainsi que dans son arrêt du 13 février 2012, publié aux ATF 138 III 2014, notre Haute Cour a rajouté une condition à la validité de cette mesure d’assainissement dans le cas où l’augmentation ne suffit pas à sortir des fourches caudines des seuils posés par l’article 725 CO.


Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a tout d’abord rappelé que l’avis au juge de l’article 725 al. 2 CO n’est pas nécessaire si d’autres mesures d’assainissement sont prises sans délai et qu’elles apparaissent comme suffisantes pour assurer le succès de l’opération.


Il a ensuite décidé que la réduction à zéro puis l’augmentation à nouveau du capital-actions n’est autorisée que si les fonds propres de la société, tels qu’ils ressortent d’un bilan audité, sont négatifs, tant à la valeur d’exploitation qu’à celle de liquidation, c’est-à-dire que la société est surendettée au sens de l’article 725 al. 2 CO. Dans un tel cas, selon les juges de Mon-Repos, le coup de l’accordéon doit permettre de sortir du cadre du surendettement et donc du cadre de l’article 725 al. 1 et al. 2 CO. Si tel n’est pas le cas, cette mesure doit être accompagnée par d’autres mesures tendant, en parallèle au coup de l’accordéon, à un assainissement complet.


Il découle de cette jurisprudence que le conseil d’administration ne saurait se contenter de présenter aux actionnaires une réduction-augmentation du capital-actions selon l’article 732a CO sans informer l’assemblée générale chargée d’en décider de l’ensemble de la situation. Il doit ainsi en particulier renseigner les actionnaires sur le fait de savoir si cette mesure suffit à elle seule pour sortir du surendettement de façon durable ou si d’autres mesures d’assainissement doivent être encore ordonnées en parallèle pour y parvenir. L’ensemble des actionnaires doit ainsi pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause sur la base d’une présentation détaillée effectuée par le conseil d’administration leur permettant d’évaluer concrètement les chances de succès de l’opération. Ce n’est qu’à cette condition qu’ils pourront valablement, le cas échéant, décider de renoncer à leurs droits d’actionnaires par la réduction à zéro du capital-actions et sa ré-augmentation aux fins de sortir durablement la société de son surendettement.


WILHELM Avocats SA – Me Christophe Wilhelm – 18 juin 2019

Vous avez des questions par rapport à la problématique abordée dans cet article ?

Dernières actualités de Wilhelm Avocats

image_pdf