Le représentant indépendant est entré dans le droit suisse des sociétés il y a quelques années par la petite porte de l’initiative Minder puis par celle de l’Ordonnance contre les rémunérations abusives des membres de la direction et du conseil d’administration (ORab). Son institution a connu avec la pandémie et les Ordonnances COVID une nouvelle jeunesse. Le nouveau droit de la SA qui va entrer en vigueur l’année prochaine lui promet une place de choix. En réalité, depuis le début de la pandémie, le représentant indépendant est déjà devenu incontournable.
Jusqu’à l’entrée en vigueur successive des différentes Ordonnances sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (Ordonnances COVID-19), le rôle du représentant indépendant était cantonné aux sociétés cotées dans les limites de l’ORab (Ordonnance fédérale sur les rémunérations abusives dans les sociétés cotées en bourse, entrée en vigueur le 1er janvier 2014 RS 221.331).
Ces dernières ont l’obligation de le nommer pour permettre aux actionnaires méfiants de confier leurs votes ou leurs instructions à une personne indépendante de la société aux fins de s’assurer que les votes qu’ils représentent ou leurs instructions soient bien enregistrés et traités lors de l’assemblée générale des actionnaires. Selon l’ORab, le représentant indépendant doit exercer les droits de vote conformément aux instructions reçues des actionnaires. En cas d’absence d’instruction, il doit s’abstenir. Le représentant indépendant peut également, dans le cadre de l’ORab, représenter des actionnaires si ceux-ci lui ont donné des instructions dans le cas d’objets nouveaux qui ne figuraient pas à l’ordre du jour, mais toutefois uniquement dans le cadre restreint de l’article 700 al. 3 CO, soit la convocation d’une assemblée générale extraordinaire, l’institution d’un contrôle spécial ou la nomination d’un organe de révision.
Dans le cadre de l’ORab, notre expérience de représentant indépendant nous a montré l’importance de bien anticiper ces cas de figure dans la rédaction du bulletin de vote, respectivement de la formule par laquelle l’actionnaire va donner au représentant indépendant ses instructions de vote. Celle-ci doit à la fois être claire et précise pour éviter tout vice de forme de la part de l’actionnaire et suffisamment flexible pour anticiper toute modification de l’ordre du jour initial. Dans le cas de société cotées, ce dernier risque est toutefois minime, tant il est rare que l’ordre du jour soit modifié durant le cours de l’assemblée générale.
Mais ce cadre relativement strict et balisé a volé en éclat avec l’entrée en vigueur des Ordonnances COVID-19 et de la loi COVID. En effet, l’article 27 de l’Ordonnance 3 COVID-19 (RS 818.101.24), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 et confirmée par l’article 8 de la loi COVID (RS 818.102) du 25 septembre 2020, a permis à « l’organisateur » d’une assemblée générale de n’importe quelle personne morale de droit suisse et même à n’importe quelle « société » (Ce terme finalement peu juridique recouvre à notre sens outre la SA, la Sàrl et la Scoop, les associations et les fondations, mais aussi les sociétés de personnes sans personnalité morale et peut-être même la société simple…) de recourir aux « services » d’un représentant indépendant.
Les différences entre le cadre de la législation COVID et celui de l’ORab sont toutefois importantes : (i) dans la législation COVID c’est « l’organisateur » et non l’assemblée générale qui élit le représentant indépendant ; (ii) en période de COVID-19, le recours au représentant indépendant peut être obligatoire et non plus seulement facultatif ; (iii) les critères de l’indépendance ne sont pas précisés par la législation COVID, contrairement aux dispositions de l’ORab ; (iv) la législation COVID ne définit pas les pouvoirs du représentant indépendant, notamment en cas d’absence d’instructions ou de nouveaux points à l’ordre du jour ; (v) la législation COVID n’est apparemment pas coordonnée avec le CO et l’ORab dans le cas d’assemblées générales de sociétés cotées mais organisées de façon électronique en période de COVID-19.
Les difficultés posées par cette législation d’urgence sont ainsi nombreuses et le conseil d’administration doit en particulier trancher les questions ouvertes suivantes :
Notre expérience de représentant indépendant nous permet d’émettre à ce propos les conseils suivants :
L’entrée en vigueur de la révision du droit de la société anonyme, vraisemblablement au 1er janvier 2022, soit à l’échéance de l’Ordonnance 3 COVID-19, va mettre fin à ce régime d’exception. Le recours au représentant indépendant sera institutionnalisé, surtout, comme va le prévoir le nouveau droit de la SA, lors de la tenue d’assemblées générales virtuelles, ou lors d’AG se tenant simultanément en différents lieux, notamment à la fois en Suisse et à l’étranger, ou si les actionnaires peuvent exercer leurs droits par voie électronique. Comme le disposera le nouvel article 701 CO, il ne pourra y être renoncé que si les statuts le prévoient ou si l’ensemble des actionnaires y consentent et encore seulement si la société n’est pas cotée en bourse.
En conclusion, au vu de ce qui précède et sans vouloir clore cet important sujet, qui déborde d’ailleurs sur celui de la gouvernance de la société anonyme, nous recommandons, pour combler ces incertitudes, considérant que la législation COVID est applicable jusqu’au 31 décembre 2021 et peut-être au-delà, considérant que le nouveau droit de la SA va entrer en vigueur en 2022, possiblement au 1er janvier 2022, à tout le moins aux sociétés anonymes de droit suisse, d’anticiper ces questions en prévoyant que l’institution du représentant indépendant soit clairement prévue dans les statuts. Ces nouvelles dispositions statutaires pourraient utilement reprendre la fois les dispositions du nouveau droit de la SA et le régime institué par les dispositions actuelles de l’ORab. Le fonctionnement de cette ordonnance a en effet fait ses preuves au fil du temps. L’institution du représentant indépendant est ainsi amenée à subsister à l’avenir et à faire partie inhérente de toutes les assemblées générales des sociétés de capitaux de droit suisse.
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