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Smart Contracts : retour vers le futur

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2040. Imaginons Robert. Robert a décidé de vendre sa voiture pour CHF 20’000.–. Il y a encore quelques années, Robert l’aurait mise en ligne sur Internet en recourant à un intermédiaire exploitant une plateforme, comme anibis, puis aurait recouru à des intermédiaires financiers pour permettre le paiement du prix, qu’il s’agisse d’émetteurs de cartes de crédits ou de banques, avant de pouvoir faire procéder à un transfert du permis de circulation auprès du service automobile. Diverses procédures de contrôle auraient eu lieu à chaque étape.


Mais nous sommes en 2040 ; tous ces intermédiaires ne sont plus nécessaires. Plus encore, ils sont en passe de disparaître. La décentralisation rendue possible grâce au protocole de la Blockchain et le développement des « smart contracts » a peu à peu rendu obsolète ces intermédiaires.


Pour vendre sa voiture, il a suffi à Robert de recourir à un site Internet lui permettant de s’identifier au moyen de l’adresse de son wallet, à savoir le hash 757382, et de définir les termes du « smart contract » lui permettant d’assurer l’exécution de la vente de son véhicule. Robert a pu y joindre quelques options, comme la possibilité conférée à l’acheteur de souscrire une assurance RC auprès d’une compagnie disposant elle-même d’un wallet.


Stéphanie a découvert la voiture de Robert sur Internet et souhaite l’acheter. Elle transfert le montant de CHF 20’000.– de son wallet référencé à l’adresse 398157 sur celui de Robert.


Les différents nodes du réseau (qui jouent désormais le rôle anciennement dévolu aux intermédiaires financiers) s’assurent que Robert est bien le détenteur du véhicule et que Stéphanie a les fonds nécessaires avant de valider la transaction.


Ceci fait, ce transfert entraîne automatiquement conformément aux termes du « smart contract » le transfert du permis de circulation, lui-même enregistré sur la blockchain à l’adresse 738497 et confère l’accès au « smart lock » du garage où se trouve la voiture de Robert à Stéphanie, désormais légitimée à y accéder.


Stéphanie peut désormais aller chercher le véhicule en désécurisant le code d’accès au moyen d’un QR-code qui l’identifie.


Bien que ce scénario apparaisse futuriste en 2022, cette décentralisation massive pourrait voir le jour d’ici quelques années grâce au développement des « smart contracts ». De quoi parle-t-on en réalité ?


Le « smart contract » n’a rien d’intelligent et n’est pas un contrat à proprement parler, mais la transposition en langage informatique (soit en code source) de termes contractuels enregistrés sur un protocole de la blockchain en permettant, à des conditions ainsi prédéfinies, l’exécution automatique. Cette exécution automatique n’est pas nouvelle, et le recours aux contrats informatiques EDI permet également une telle exécution automatique dans un environnement B2B ; le recours à la cryptographie confère toutefois aux « smart contracts » certaines spécificités en termes d’authenticité, d’intégrité et d’immutabilité.


Dans la très large majorité des cas, le protocole utilisé aujourd’hui est le standard ERC-20 (et celui, amélioré en termes de transfert des tokens, ERC-777), qui fonctionne sur la blockchain Ethereum, et le langage de programmation Solidity.


Force est cependant d’admettre qu’en dépit du hype qu’il existe à l’heure actuelle autour de la Blockchain et des « smart contracts », leur adoption est encore loin d’être « mainstream » pour parler franglais. Plusieurs haies qu’il conviendra de passer se présentent en effet sur leur chemin. Mentionnons-en quelques une :


  • Présenté comme un avantage, le caractère immutable des « smart contracts » est aussi un inconvénient. S’il peut être aisé de corriger un contrat dans lequel s’est glissé une erreur, modifier du code figurant sur la blockchain ne l’est pas. Autrement dit, toute erreur devient particulièrement difficile à corriger, pour ne pas dire impossible. De là l’importance de prendre le temps nécessaire à faire auditer son code, par des sociétés expertes en la matière comme l’est OpenZeppelin. Rares sont toutefois ceux semble-t-il qui en prenne le temps, de sorte que, statistiquement, 25% des « smart contracts » contiendrait des erreurs.
  • Si les « smart contracts » se prêtent à l’exécution de transactions simples, leur adoption pourrait s’avérer plus compliquée pour gérer la mise en œuvre de certains droits. Si l’on pense par exemple aux droits d’auteur, il pourrait bien entendu être tentant de faire en sorte que la consultation d’une œuvre soit conditionnée au paiement d’une redevance générée automatiquement en faveur de l’auteur. Certains s’y sont essayés, comme l’artiste Imogen Heap, dont le recours à la blockchain pour l’exploitation de son œuvre « Tiny Human » a toutefois suscité plus de buzz que de redevances, soit un montant total de USD 133.20…A cet élément s’ajoute le fait que coder des concepts juridiques indéterminés nécessitant une interprétation comme les exceptions ou le « Fair use » n’apparaît pas chose aisée.
  • La majorité des « smart contracts » sont rédigés sur le protocole Ethereum. Les transactions conclues exigent le versement de frais de transactions (dits gas fees) devenus conséquents en raison du succès du protocole. L’importance de ces frais se concilie mal avec les micro-paiements censés rendus possibles et facilités par la Blockchain.
  • Enfin, last but not least, les consommateurs sont désormais habitués à des modèles d’abonnement comme Spotify, Netflix et autres fournisseurs de contenus. Nul ne sait si les consommateurs seront pour de tels contenus enclins à changer de modèle et revenir à des micro-paiements.


Au final, la route est encore longue avant 2040. Le scénario évoqué fait partie des possibles, mais un possible qui demeure éloigné. De nombreuses questions demeurent à résoudre avant que les « smart contracts » ne fasse l’objet d’un déploiement massif. L’avenir dira si les développeurs et autres entrepreneurs high-tech parviendront à franchir les différentes haies et lequel passera victorieusement la ligne d’arrivée. Affaire à suivre.

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