L’employé qui s’estime avoir été licencié de manière abusive doit s’opposer au congé dans les délais légaux ou contractuels et exprimer son intention de poursuivre les rapports de travail.
Notre Haute Cour durcit encore sa jurisprudence et considère désormais que s’opposer au congé tout en prenant acte de la fin des rapports de travail ne respecte pas l’incombance de l’art. 336b CO. Explications.
Me Sandra Gerber a expliqué dans son paper du 18 décembre 2015 [1] à quelles conditions un travailleur devait s’opposer à un licenciement abusif, pour pouvoir à terme, réclamer une indemnité pour licenciement abusif.
Un arrêt du Tribunal fédéral suisse rendu le 28 mars 2023 vient ajouter des précisions à ce sujet.
Un congé est abusif lorsqu’il est donné pour une raison inhérente à la personnalité de l’autre partie. L’article 336 du Code suisse des obligations (CO) énumère plusieurs cas de résiliations abusives. Le motif du congé est notamment abusif s’il est discriminatoire, raciste, empêche la naissance d’un droit, a eu lieu sans égards ou sans motifs à l’encontre d’un employé proche de la retraite. Les motifs sont nombreux et ne sont pas énumérés exhaustivement dans la loi.
Le congé abusif peut donner lieu au versement d’une indemnité par la partie ayant abusivement résilier le contrat (art. 336a CO).
Celui qui prétend à une indemnité fondée sur l’art. 336a CO doit faire opposition au congé par écrit auprès de l’autre partie au plus tard à la fin du délai de congé (art. 336b CO).
La jurisprudence a précisé que l’opposition n’avait pas à être motivée en fait ou en droit. Le Tribunal fédéral a toutefois également ajouté dans un arrêt 4A_320/2014 du 8 septembre 2015 une exigence supplémentaire, celle de manifester clairement sa volonté de vouloir poursuivre les rapports de travail.
Dans son arrêt du 28 mars 2023 (TF 4A_59/2023), le Tribunal fédéral précise désormais que le travailleur ne peut s’opposer au congé tout en prenant acte de la fin des rapports de travail.
Cet arrêt a été rendu dans le contexte suivant.
L’employeur a résilié les rapports de travail par lettre du 31 janvier 2017. Le litige porte uniquement sur l’indemnité pour résiliation abusive à laquelle prétend l’employé (art. 336a CO).
La Cour cantonale a rejeté l’octroi de toute indemnité en raison du fait que « l’employé n’avait pas fait opposition au congé par écrit » dans le délai imparti (art. 336b CO). L’assurance protection juridique en charge de la défense de l’employé avait en effet déclaré « former opposition à ce congé » tout en contestant les motifs invoqués pour justifier le licenciement. La fin des rapports de travail n’était pas contestée tout comme la volonté de poursuivre les rapports de travail ».
L’employé a recouru au Tribunal fédéral en prétendant que seul l’usage du terme « opposition au congé » est suffisant pour remplir la condition légale de l’art. 336b CO. Il estime que la loi n’impose pas à l’employé d’offrir ses services lorsqu’il forme opposition au congé.
Notre Haute Cour a tout d’abord rappelé qu’ « il ne faut pas poser des exigences trop élevées à la formulation de cette opposition écrite. Il suffit que son auteur y manifeste à l’égard de l’employeur qu’il n’est pas d’accord avec le congé qui lui a été notifié. L’opposition a pour but de permettre à l’employeur de prendre conscience que son employé conteste le licenciement et le considère comme abusif ; elle tend à encourager les parties à engager des pourparlers et à examiner si les rapports de travail peuvent être maintenus. Dans cette perspective, le droit du travailleur de réclamer l’indemnité pour licenciement abusif s’éteint si le travailleur refuse l’offre formulé par l’employeur de retirer la résiliation. Il n’y a pas d’opposition lorsque le travailleur s’en prend seulement à la motivation de la résiliation, ne contestant que les motifs invoqués dans la lettre de congé, et non à la fin des rapports de travail en tant que telle ».
Le Tribunal fédéral a ensuite constaté que l’intention de l’employé n’était pas claire puisqu’il a déclaré « à la fois former opposition au congé et que ce congé interviendrait bien à la date susmentionnée. Ces deux éléments sont antagonistes puisque si l’opposition concerna la terminaison des rapports de travail (car cette résiliation est abusive), l’employé ne peut simultanément accepter que ceux-ci se terminent. Exprimé autrement, soit il accepte la résiliation soit il s’y oppose ».
Les juges de Mon-Repos ont ainsi jugé que la véritable intention de l’employé était d’accepter la fin des rapports de travail et que par conséquent, son opposition portait sur « les motifs avancés par l’employeur et non sur la fin de son emploi ». « A aucun moment, la discussion n’a porté sur le caractère abusif du congé ou une indemnité pour licenciement abusif (avant que l’employé n’ouvre action en justice) ».
Enfin, le Tribunal fédéral a conclu que « la condition de l’opposition en temps utile selon l’art. 336b CO demeure, lors même que l’issue de discussions avec l’employeur paraît illusoire compte tenu de son attitude ».
En conclusion, les conditions posées par l’article 336b CO doivent être strictement respectées. Ainsi, l’employé doit 1. s’opposer au congé dans le délai légal ou contractuel ET 2. exprimer clairement et sans ambiguïté son intention de poursuivre les rapports de travail.
[1] www.wg-avocats.ch/actualites/droit-du-travail/opposition-au-conge-licenciement-abusif-le-tribunal-federal-met-de-lordre-dans-la-maison/
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