Droit des sociétés

Le procès-verbal de l’assemblée générale des actionnaires acquiert-il un nouveau statut juridique avec le nouveau droit de la SA ?

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On pourrait le penser à la lecture du nouvel article 702 CO. Contrairement à l’ancien droit qui ne prévoyait que des formalités très succinctes à ce sujet, cette disposition traite désormais non seulement du contenu du procès-verbal de l’assemblée générale des actionnaires, mais également du droit des actionnaires à le consulter.


Ainsi, le nouvel article 702 al. 2 ch. 1 CO reprend en substance les points prévus par l’ancien droit en rajoutant que la date, l’heure du début et de la fin de l’assemblée, sa forme et son lieu doivent être spécifiquement mentionnés au PV, de même que tout « problème technique significatif » survenu durant l’assemblée (art. 702 ch. 6 al. 2 CO), deux nouvelles mentions nécessitées par les nouvelles manières d’organiser et de tenir une assemblée générale selon le nouveau droit.


Le nouvel article 702 prévoit en outre à son alinéa 4 nouveau que tout actionnaire peut exiger que le procès-verbal soit mis à sa disposition dans les trente jours qui suivent l’assemblée générale.


Nous pensons toutefois que la nouvel teneur de l’article 702 ne modifie pas la nature juridique du procès-verbal de l’assemblée générale.


Celle-ci peut être caractérisée par les éléments suivants :


En premier lieu, la tenue du procès-verbal pendant l’assemblée générale fait partie des obligations du conseil d’administration, lequel doit le rédiger dans la perspective de permettre la mise en œuvre des décisions prises par l’assemblée générale des actionnaires de la société. Le contenu du procès-verbal doit donc essentiellement porter sur les décisions prises. Il importe donc que le PV reproduise le texte des décisions et le résultat des élections avec le résultat des votes. Il n’est en revanche pas nécessaire que le déroulement des débats et leurs aspects essentiels soient mentionnés. Le conseil d’administration pourra les reproduire si le déroulement de l’assemblée doit être rendu plus compréhensible a posteriori. Le CA sera également bien avisé, selon nous, de consigner d’autres détails juridiquement pertinents, notamment en cas de points litigieux de l’ordre du jour ou en cas de contre-propositions avec votes éventuels ou de menaces d’actions des actionnaires (Böckli Peter, Schweizer Aktienrecht, 5e éd., Genève – Zurich – Bâle 2022, p. 1156 ; Henry Peter Francesca Cavadini dans : Tercier/Amstutz/Trigo Trinidade (Edit.), Commentaire Romand, Code des Obligations II, 2ème édition, Art. 702 N 27).


En second lieu, il sied de souligner que le procès-verbal est juridiquement un titre, dont tout intéressé peut se prévaloir pour requérir une inscription au registre du commerce. Il en résulte que celui ou celle qui, en connaissance de cause, rédigerait un procès-verbal qui contiendrait des faits inexistants ou erroné se rendrait coupable de faux dans les titres au sens de l’art. 251 CP, en tout cas s’il a agi dans le dessein de nuire ou de se procurer un avantage indu (ATF 120 IV 199, JdT 1996 IV 69, 72 ; Henry Peter/Francesca Cavadini, op. cit.,).


Nous relevons que d’autres supports de données ou des enregistrements électroniques ne peuvent pas remplacer le procès-verbal (Böckli Peter, Schweizer Aktienrecht, op. cit., p. 1156).


En troisième lieu, il faut soigneusement circonscrire le droit des actionnaires à obtenir et/ou à modifier les termes du procès-verbal. Si la solution juridique est claire en ce qui concerne le droit des actionnaires à obtenir une copie du PV, la solution du nouveau droit est très limitée en ce qui concerne le droit de modifier les termes de ce procès-verbal.


Ainsi, le nouvel article 702 prévoit clairement désormais le droit des actionnaires d’exiger du conseil d’administration que le PV soit mis à leur disposition. Celui-ci doit donc être envoyé – et pas seulement offert en consultation –  aux actionnaires qui le demandent, cela dans les 30 jours suivant la date de l’AG.


Le PV peut-il être rectifié ?


Nous sommes d’avis que selon l’article 702 al. 4 CO, le procès-verbal de l’assemblée générale ne peut être rectifié que dans le délai de 30 jours après la tenue de l’assemblée générale, que ce soit sur l’initiative d’un actionnaire ou d’un administrateur (Vischer Markus, « Protokollierung von GV- und VR-Beschlüssen als Gültigkeitsform », RSDA 2022 p. 416 ss, 427).


En d’autres termes, la forme de validité (Gültigkeitsform) du procès-verbal des décisions de l’assemblée générale doit être remplie dans les 30 jours suivant l’assemblée générale. Ce délai ne peut être ni raccourci, ni prolongé. Jusqu’à l’expiration de ce délai, les décisions correspondantes de l’assemblée générale sont en suspens, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas valables (formellement) en raison de la suspension. Les procès-verbaux peuvent donc être corrigés jusqu’à la fin du délai de 30 jours (et seulement jusqu’à cette date) par le conseil d’administration en tant qu’auteur des procès-verbaux, de sa propre initiative ou à l’initiative d’un actionnaire ou d’un membre du conseil d’administration (Vischer Markus, op. cit., pp. 416 ss, 427).


Ni l’omission de rédiger un procès-verbal, ni la rédaction d’un procès-verbal erroné n’a d’influence sur la validité des décisions prises. Elle rendra en revanche plus ardue le fardeau de la preuve et pourra – mais dans des cas très rares – engager la responsabilité des membres du conseil (Henry Peter/Francesca Cavadini op. cit., N 28 ; Dubs Dieter, in Berner Kommentar, Das Aktienrecht – Kommentar der ersten Stunde, Berne 2023, § 12 Die Generalversammlung Art. 698–706b OR / IV. – V. n 156, voir également Müller Roland/Lipp Lorenz/Plüss Adrian, Der Verwaltungsrat – Band I, Ein Handbuch für Theorie und Praxis, 5e éd., Genève – Zurich – Bâle 2021, p. 625).


En cas d’omission de la rédaction du procès-verbal ou de défauts de son contenu, il n’existe selon nous aucune voie de droit pour exiger une rectification par les tribunaux des termes du procès-verbal incriminé.


Notons pour finir qu’il n’existe pas non plus d’obligation légale du CA de faire lire et approuver le procès-verbal à la fin de l’assemblée générale ou au début de la suivante. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir un point à l’ordre du jour à cet effet. (Müller Roland/Lipp Lorenz/Plüss Adrian, op. cit., p. 625).

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