Depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit de la société anonyme, l’article 701 al. 3 CO (ou l’art. 805 al. 5 ch. 5 CO en lien avec l’art. 701 al. 3 CO pour les sociétés à responsabilité limitée) prévoit la possibilité de tenir une assemblée générale (mais aussi une séance de conseil d’administration) par voie de circulation. Autrement dit, les actionnaires (ou les membres du conseil d’administration) peuvent faire valoir leur vote par écrit, sans qu’une assemblée générale dite normale (en présentiel, hybride ou virtuelle) ne soit tenue. Cette pratique semble être en plein essor, dès lors qu’il est très facile de faire signer une décision par voie de circulation aux actionnaires au moyen de DocuSign, Scribble, PrivaSphere ou d’autres moyens similaires.
Mais quels sont donc les éléments qu’il convient de prendre en compte ?
Le présent article tend à apporter quelques éléments de réponse en se basant sur l’exemple de l’assemblée générale dans la société anonyme, sans prétendre à l’exhaustivité.
Il convient d’emblée de souligner qu’une assemblée générale par voie de circulation n’est pas une assemblée générale normale (en présentiel, hybride ou virtuelle) qui se déroulerait simplement par écrit.
En effet, lors d’une assemblée générale normale, les actionnaires disposent de leurs pleins droits prévus par le code des obligations. Ils disposent notamment du droit de faire inscrire un objet à l’ordre du jour, d’un droit d’interpellation du conseil d’administration ainsi que d’un droit de présenter des propositions.
Dans une assemblée générale par voie circulaire, les actionnaires renoncent tacitement à ces droits, et ne pourront pas les exercer ultérieurement.
Pour cette raison, les actionnaires ont la possibilité de s’opposer à la tenue de l’assemblée générale par voie circulaire et de demander une délibération orale lors d’une assemblée générale normale. En cas d’opposition par un actionnaire, le conseil d’administration aura alors l’obligation de convoquer une assemblée générale normale.
En revanche, si aucune actionnaire ne demande une assemblée générale normale, la société peut partir du principe que les actionnaires renoncent à une assemblée générale normale et, par conséquent, à leurs droits évoqués ci-dessus.
Seul le conseil d’administration a le pouvoir de suggérer la tenue d’une assemblée générale par voie de circulation au sens de l’art. 701 al. 3 CO. Cette compétence ne peut être déléguée à d’autres organes au sein de la société. En pratique, l’assemblée générale par voie de circulation au sens de l’art. 701 al. 3 CO est donc initiée par le conseil d’administration, lequel part de l’idée que tous les actionnaires renoncent à la tenue d’une assemblée générale normale. Si aucun actionnaire ne proteste en demandant la tenue d’une assemblée générale normale, alors l’assemblée générale peut avoir lieu par voie de circulation.
Le conseil d’administration est dispensé d’observer les règles applicables à la convocation de l’assemblée générale de l’art. 700 CO. Ainsi, le conseil d’administration de la société ne doit par exemple pas respecter le délai de 20 jours pour communiquer aux actionnaires la tenue d’une assemblée générale par voie de circulation.
Les actionnaires peuvent se déterminer par écrit, en répondant par « oui » ou par « non » – ou en s’abstenant de voter – aux différentes questions relatives aux points que le conseil d’administration a mis à l’ordre du jour. Les questions doivent donc être formulées de manière précises. La forme écrite de l’art. 12 CO ne doit pas être respectée, une signature électronique (DocuSign, Scribble, PrivaSphere etc.) étant suffisant à cet égard.
En outre, il sied également de mentionner qu’il n’est pas nécessaire que l’ensemble des actionnaires participe à une assemblée générale par voie de circulation. En pratique, beaucoup confondent l’assemblée universelle et l’assemblée par voie de circulation. Or, l’art. 701 CO ne nécessite pas la participation de l’ensemble des actionnaires pour une décision par voie de circulation.
En cas de non-participation de certains actionnaires à la prise de décision, il convient, en ce qui concerne les majorités requises, de se référer aux dispositions de l’art. 703 CO et art. 704 CO.
En définitive, il convient de souligner que l’assemblée générale par voie de circulation est un moyen rapide et efficace pour prendre des décisions. Les modalités de convocation de l’assemblée générale ne doivent pas être respectées, et la décision peut être signée électroniquement.
Il convient toutefois clairement de distinguer l’assemblée générale par voie de circulation selon l’art. 701 al. 3 CO d’une assemblée générale « normale » (en présentiel, hybride ou virtuelle). En effet, les actionnaires disposent de leurs pleins droits lors d’une assemblée générale dite « normale », ce qui n’est pas le cas pour une assemblée générale par voie de circulation.
Les joies de la numérisation concernant l’assemblée générale par voie de circulation sont en pratique entravées par l’Office fédéral du registre du commerce, du moins en ce qui concerne les décisions par voie de circulation qui doivent être produites au registre du commerce comme justificatif en vue d’une inscription.
En effet, l’Office fédéral du registre du commerce estime que les décisions par voie de circulation au sens de l’art. 701 al. 3 CO doivent elles aussi être protocolée ultérieurement sous forme d’un procès-verbal et satisfaire aux exigences de l’art. 702 CO, dont une des exigences est la forme écrite (signature manuscrite).
Cela constitue un travail supplémentaire pour le conseil d’administration, lequel doit donc établir après-coup une sorte de procès-verbal de la décision par voie de circulation. Ce procès-verbal devra alors respecter la forme écrite, surtout s’il est amené à servir de pièce justificative en vue d’une inscription au registre du commerce.
Il sied à ce titre de relever que l’art. 23 al. 1 de l’ordonnance sur le registre du commerce (« ORC») ne prévoit pas explicitement qu’un procès-verbal de la décision par voie de circulation doit être dressé. Au contraire, l’art. 23 al. 1 ORC mentionne même qu’une décision par voie de circulation constitue une pièce-justificative à part entière.
En ce qui concerne l’art. 23 al. 2 ORC, ce dernier pose problème, en ce sens qu’il exige la forme écrite pour les décisions prises par voie de circulation, alors que l’art. 701 al. 3 CO ne prévoit pas l’exigence de la forme écrite. En d’autres termes, l’ordonnance fédérale contrevient au nouveau droit de la société anonyme, en ce sens qu’elle prescrit la forme écrite, alors même que le droit fédéral n’a pas voulu la prévoir.
Il serait donc bienvenu que l’Office fédéral du registre du commerce change sa pratique, en ce sens qu’il accepte une décision par voie de circulation sans procès-verbal en tant que pièce justificative en vue d’une inscription au registre du commerce.
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