Droit des sociétés

Carences dans l’organisation de la société anonyme (art. 731b CO) – comment éviter ce piège et/ou remédier à la situation de blocage

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Dans de nombreuses petites sociétés anonymes en Suisse, les assemblées générales ne sont pas organisées régulièrement. Dans la réalité, il arrive fréquemment qu’une assemblée générale n’ait pas lieu pendant deux ou trois années consécutives. Que se passe-t-il dans un tel cas si les statuts de la société anonyme prévoient que les membres du conseil d’administration sont élus pour une durée d’un an, et que les mandats d’administrateur prennent fin le jour et à l’issue de la prochaine assemblée générale ordinaire (art. 710 al 2 CO) ? L’auteur tente de répondre à cette question qui, dans les faits, revêt une importance majeure.


Les membres du conseil d’administration sont élus par l’assemblée générale en vertu de l’art. 698 al. 2 ch. 2 CO. Il s’agit d’un droit intransmissible de l’assemblée générale. Le conseil d’administration, composé d’au moins un membre (art. 707 al. 1 CO), représente la société à l’extérieur et confère à la société anonyme, en tant que personne morale, la capacité d’agir (art. 54 CC). Par conséquent, il est primordial que la société anonyme dispose, en tout temps, d’un conseil d’administration régulièrement élu.


Dans l’arrêt 4A_496/2021 du 3 décembre 2021, le Tribunal fédéral avait décidé que les membres du conseil d’administration qui ne sont pas réélus dans les six mois suivant le dernier exercice de leur mandat ne sont plus (régulièrement) en fonction. Un renouvellement tacite du mandat d’administrateur a par ailleurs été explicitement exclu par le Tribunal fédéral, même pour les cas où, dans les faits, les administrateurs continuent à exercer leurs fonctions au-delà du terme de la durée statutaire de leur mandat. L’argument principal résidait dans le fait qu’un renouvellement tacite contrevenait au pouvoir intransmissible de l’assemblée générale de nommer les membres du conseil d’administration, et comportait le risque que les administrateurs ne convoqueraient pas l’assemblée générale afin d’obtenir un renouvellement tacite de leurs mandats. Au vu de la jurisprudence fédérale, il y a donc lieu d’admettre que l’absence de réélection des administrateurs par l’assemblée générale à la fin de leur mandat est de nature à constituer une carence dans l’organisation de la société anonyme au sens de l’art. 731b CO.


Or, lorsque l’organisation de la société présente une carence telle que l’absence d’un conseil d’administration valablement élu, chaque actionnaire est en droit de requérir du tribunal du siège de la société qu’il prenne les mesures nécessaires (art. 731b al. 1 CO).


Il appartient ensuite au tribunal de prendre les mesures qui, selon les circonstances, semblent appropriées pour remédier à la carence dont il est question.


L’art. 731b al. 1bis CO cite, à titre d’exemple, quelques mesures que le tribunal peut prendre dans un tel cas :


  1. fixer à la société, sous peine de dissolution, un délai dans lequel l’état légal doit être rétabli ;
  2. convoquer une assemblée générale, si cela est nécessaire, afin de pouvoir dûment procéder à l’élection d’un nouveau conseil d’administration ;
  3. nommer directement l’organe manquant ou un administrateur ;
  4. dissoudre la société et ordonner sa liquidation conformément aux dispositions relatives à la faillite, mais uniquement dans le sens d’une ultima ratio.


La liste des mesures énumérées à l’art. 731b al. 1bis CO pour remédier aux défauts d’organisation ne doit pas être comprise de manière exhaustive (« notamment »). De plus, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le législateur accorde au juge une marge de manœuvre considérable afin de prendre des mesures appropriées aux circonstances concrètes, à l’instar de l’action en dissolution selon l’art. 736 ch. 4 CO, où la marge de manœuvre est restreinte.


Selon le message et la jurisprudence du Tribunal fédéral, la règle légale de l’art. 731b CO est justifiée par des intérêts publics tel que le bon fonctionnement des relations juridiques entre entités de droit privé, les intérêts du public et de tiers ainsi que des intérêts des stakeholders, comme par exemple les employés, créanciers ou actionnaires.


Au vu de ce qui précède, il incombe donc au conseil d’administration de faire preuve de rigueur dans la tenue d’assemblées générales, surtout en ce qui concerne les sociétés qui, en dérogation de la durée de mandat d’administrateur de 3 ans prévue par l’art. 710 al. 2 CO, ont prévu statutairement une durée de mandat d’un an.

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