Les conventions d’actionnaires contiennent souvent des dispositions spécifiques visant à empêcher la vente des actions à des non-actionnaires sous la forme de droits de première offre, de droits de premier refus, de droits de « tag-along » et de « drag-along », et d’options d’achat et de vente.
1. Droit de première offre ou droit de première négociation
en anglais: “Right of First Offer (ROFO) or Right of First Negotiation”
Le droit de première offre signifie que l’actionnaire qui souhaite vendre ses actions doit les offrir au bénéficiaire du droit de première offre avant qu’un contrat puisse être conclu avec un tiers acquéreur.
Le droit de première offre oblige ainsi l’actionnaire vendeur à négocier la cession de ses actions exclusivement et de bonne foi avec le détenteur du droit de première offre avant de négocier avec un tiers acquéreur.
Si le détenteur des droits de première offre n’est pas intéressé par l’achat de ou des actions ou ne parvient pas à un accord avec l’actionnaire vendeur, celui-ci peut alors vendre ses actions au tiers acquéreur.
Toutefois, il est interdit à l’actionnaire vendeur de céder ses actions au tiers acquéreur à des conditions plus avantageuses que celles offertes au bénéficiaire du droit de première offre.
2. Droit de préemption, le droit de première offre et le doit de premier refus
en anglais: “Right of First Refusal (ROFR) or Pre-Emptive Right or Right of Pre-Emption”
Le droit de préemption proprement dit donne aux actionnaires bénéficiaires le droit d’acquérir les actions à un autre actionnaire aux mêmes conditions que celles convenues de bonne foi avec un tiers acquéreur avant que ce dernier ne puisse les acheter.
L’actionnaire qui souhaite vendre ses actions à un tiers doit donc notifier au préalable aux actionnaires bénéficiaires du droit de préemption son intention de vendre et les conditions de l’offre du tiers acquéreur.
En cas d’exercice du droit de préemption, les actions doivent être cédées aux bénéficiaires aux mêmes conditions que celles convenues dans le contrat avec le tiers acquéreur, notamment en ce qui concerne le prix d’achat, à moins qu’un prix spécifique ou une méthode de calcul du prix des actions n’aient été convenus à l’avance (droit de préemption limité).
Si le bénéficiaire du droit de préemption refuse d’exercer son droit de préemption ou refuse finalement les conditions posées par le tiers acquéreur de bonne foi, l’actionnaire peut alors vendre ses actions à ce tiers aux conditions convenues initialement avec lui.
Le droit de première offre et le droit de premier refus diffèrent du droit de préemption proprement dit :
Alors que le droit de préemption donne au titulaire le droit de répondre à une offre d’achat faite par un tiers acquéreur de bonne foi, le droit de première offre oblige simplement l’actionnaire qui souhaite céder ses actions de les proposer de bonne foi et en premier lieu aux autres actionnaires.
Le droit de premier refus permet à un actionnaire de préempter l’offre d’un tiers de bonne foi à un autre actionnaire lorsque ce dernier la lui aura communiquée.
Les droits de premier refus et les droits de première offre peuvent être combinés, de sorte que le bénéficiaire du droit de première offre qui n’a pas exercé son droit aura le droit d’acheter les actions en cause lorsque l’actionnaire cédant aura communiqué l’offre d’un tiers acquéreur de bonne foi.
La distinction entre le droit de préférence et le droit de préemption a été récemment rappelée par le Tribunal fédéral suisse dans son arrêt du 5 novembre 2024 4A_379/2024, considérants 3.1.et 3.2. reproduits ci-après en traduction libre, en les termes suivants :
3.1 Il convient tout d’abord de distinguer le droit de préférence du droit de préemption. Un droit de préemption confère à l’ayant droit le pouvoir d’acquérir la propriété d’une chose par une déclaration unilatérale, sans réserve et sans condition, à l’égard du débiteur, pour autant que le débiteur vende cette chose à un tiers (ATF 115 II 175 consid. 4a ; arrêt 5A_1006/2015 du 2 août 2016 consid. 4.1). Le contrat de vente est formé par la déclaration d’exercice de la personne habilitée.
3.2.
3.2.1 En revanche, le droit de préférence ne crée qu’une obligation d’offre de la part de la personne grevée. Contrairement au droit de préemption, le droit de préférence ne présuppose pas d’offre de tiers. Le droit de préférence se rencontre surtout dans le droit des sociétés anonymes. L’actionnaire grevé d’un droit de préférence (donneur du droit de préférence) s’engage à proposer d’abord ses actions à la personne titulaire du droit de préférence (preneur du droit de préférence) (PETER FORSTMOSER/MARCEL KÜCHLER, Aktionärsbindungsverträge, 2015, Rz. 1262).
3.2.2 Le cas de préférence se produit typiquement lorsque le cédant prend la décision de vendre ses actions grevées d’un droit de préférence. Comme l’intention d’aliéner constitue un processus interne et mental, la personne chargée du droit de préférence doit communiquer son intention d’aliéner à la personne ayant le droit de préférence (FORSTMOSER/KÜCHLER, op. cit., n. 1275 ; DAMIAN FISCHER, Änderungen im Vertragsbestand von Aktionärsbindungsverträge, 2009, p. 68 s. ; MONIKA HINTZ-BÜHLER, Aktionärsbindungsverträge, 2001, p. 105). Ce n’est qu’ainsi que le preneur du droit de préférence peut, le cas échéant, acquérir les actions. Si cette communication n’a pas lieu et si le preneur du droit de préférence n’a pas non plus connaissance de la survenance du cas de préférence, le donneur de préférence doit répondre de sa violation des obligations (ERIKA SALZGEBER-DÜRIG, Das Vorkaufsrecht und verwandte Rechte an Aktien, 1970, p. 141).
3.2.3 Les parties ne doivent pas obligatoirement faire dépendre la survenance du cas de préférence ou de préemption de l’intention d’aliéner de la personne grevée. Elles peuvent au contraire, dans le cadre de la liberté contractuelle (art. 19 CO), convenir d’autres faits, tels que des circonstances extérieures, comme cas de préemption (FISCHER, loc. cit., p. 68).
3.2.4 Il faut enfin distinguer la survenance du cas de préférence ou de préemption, qui ne déclenche que l’obligation de présenter une offre de la personne grevée d’un tel droit, de l’aliénation effective ultérieure des actions. Celle-ci n’intervient que lorsque la personne ayant le droit de préférence ou de préemption accepte l’offre et conclut un contrat de vente des actions avec la personne grevée du droit de préférence ou de préemption.
3. Disposition d’entraînement
en anglais : « drag-along clause »
En incluant des droits d’entraînement dans un pacte d’actionnaires, un actionnaire majoritaire désireux de vendre ses actions (ou plusieurs actionnaires minoritaires agissant de concert) a la possibilité de forcer un actionnaire minoritaire à se joindre à la vente, ce qui permet de vendre toutes les actions de la société à un tiers acquéreur.
La disposition d’entraînement oblige donc l’actionnaire visé à vendre ses actions aux mêmes conditions que la majorité des actionnaires qui approuvent la vente.
Ainsi, cette disposition empêche les actionnaires minoritaires de refuser de vendre leurs actions si la majorité des actionnaires approuve la vente.
4. Disposition « tag along
en anglais: « tag-along clause»
Une disposition de type « tag along » donne à un actionnaire minoritaire le droit (mais non l’obligation) de faire acheter ses actions aux mêmes conditions (y compris le prix) que celles des actionnaires majoritaires.
L’objectif principal de la disposition « tag along » est de protéger les actionnaires minoritaires d’un nouvel investisseur de contrôle qui pourrait modifier l’entreprise au détriment de la minorité.
5. Option d’achat
en anglais : Call option
En incluant une option d’achat dans un pacte d’actionnaires, un actionnaire au bénéfice de cette clause peut forcer un ou plusieurs autres actionnaires de lui vendre leurs actions, à un prix déterminé, dans un délai déterminé et/ou lorsqu’un événement spécifique se produit.
6. Option de vente
en anglais : Put option
Une option de vente donne à l’actionnaire qui en est bénéficiaire le droit (mais non l’obligation) de faire acheter ses actions par un ou plusieurs autres actionnaires, à un prix déterminé, dans un délai déterminé et/ou lors de l’occurrence d’un événement spécifique.
On le voit, ces clauses sont complexes. Elles doivent être maniées avec précaution. Les reproduire telles quelles à partir d’un modèle trouvé sur internet est hautement risqué. Le lecteur est désormais prévenu.
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