Il arrive, bien plus souvent que l’on ne le croit, que des constructions soit érigées de manière illicite en raison de différentes normes de droit de la construction. Tel est souvent le cas en zone agricole notamment, laquelle est en principe inconstructible.
Que se passe-t-il donc pour le propriétaire qui a illicitement construit ? Que se passe-t-il pour l’acquéreur potentiel intéressé par un terrain sur lequel se trouve une construction illicite ? Et surtout, est-il possible de régulariser par la suite ces constructions ou doit-on les démolir ?
Toutes ces questions trouvent des réponses quelque peu différentes en fonction des législations de chaque canton.
Conformément à l’art. 22 de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente. Cette norme d’intérêt public est destinée à permettre un contrôle de la conformité des constructions avec le droit applicable. Si cette obligation n’est pas respectée, quelle que soit la zone, les autorités doivent ordonne le rétablissement d’une situation conforme au droit, soit la démolition de l’ouvrage illicite et la remise en état du terrain.
En zone à bâtir, cette obligation de remise en état était limitée dans le temps, sur la base d’une jurisprudence du Tribunal fédéral de 1981, conformément à laquelle le droit des autorités à exiger la remise en conformité s’éteignait après 30 ans (cf. AT 107 Ia 121, consid. 4.1).
Ainsi, si un certain nombre d’années s’était écoulé sans intervention aucune de la part des autorités, le propriétaire pouvait partir du principe que sa construction illicite ne devrait plus être démolie.
Il sied de préciser que cette jurisprudence n’avait pas d’effet sur la licéité de la construction – qui demeurait donc illicite – mais uniquement sur la question de sa remise en conformité. Le propriétaire n’avait ainsi pas un droit à la reconstruction ni à la modification de cette construction illicite.
Ce délai de 30 ans se fondait sur l’art. 662 CC relatif à la prescription acquisitive du propriétaire foncier, principe selon lequel le propriétaire d’un bâtiment construit ou modifié sans autorisation acquiert le droit de le maintenir dans un état non conforme au droit au bout d’un certain temps.
Ce principe était également sujet à différentes exceptions en fonction des circonstances, par exemple lorsque l’autorité compétente avait toléré un état de fait dont elle connaissait l’illicéité et si le propriétaire est de bonne foi (cf. par exemple ATF 136 II 359 ; 132 II 21 ; 1C_50/2020). Le droit cantonal pouvait aussi se montrer plus favorable aux propriétaires en prévoyant un régime plus court (de 20 ans par exemple), en zone à bâtir uniquement (cf. par exemple l’art. 57 al. 4 de la Loi valaisanne sur les constructions).
L’application de cette jurisprudence de 1981 aux constructions hors de la zone à bâtir était par contre restée en suspens jusqu’à aujourd’hui. Nombre de jurisprudences cantonales avaient toutefois été rendues dans l’intervalle, sur cette base, et appliquaient ce régime des 30 ans également en dehors de la zone à bâtir.
Le Tribunal fédéral a toutefois rendu un arrêt mettant un terme à cette pratique, en considérant désormais que cette obligation de rétablir un état conforme au droit ne s’éteint plus après 30 ans pour les constructions hors de la zone à bâtir (cf. arrêt du 28 avril 2021, 1C_469/2019, 1C_483/2019, qui sera publié aux ATF prochainement).
Le Tribunal fédéral a motivé sa décision en considérant qu’il s’agit de veiller au principe de séparation entre le milieu bâti et le milieu non-bâti, de même que de préserver des intérêts publics comme la limitation du nombre de constructions en zone agricole.
Cette nouvelle jurisprudence soulève bien des questions en ce qui concerne la définition de la « zone à bâtir », à savoir dans quelles zones la jurisprudence de 1981 trouvera encore application et dans quelles zones ce nouvel arrêt du Tribunal fédéral s’appliquera, rendant ainsi les ordres de remise en état encore possibles après 30 ans. Il existe en effet un nombre important de zones particulières, comme les zones d’activités, les zones de décharge, les zones de loisirs ou encore les petites entités urbanisées.
Dans tous les cas, le propriétaire prudent et bien avisé doit désormais analyser de près la situation juridique applicable à sa parcelle.
L’acquéreur potentiel intéressé par une parcelle sur laquelle se trouve une construction illicite ferait tout aussi bien de se renseigner attentivement avant de conclure la vente et de se voir notifier un ordre de remise en état par les autorités compétentes.
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