Aménagement du territoire

Les bornes de recharge électrique : clarification du cadre juridique

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Selon certaines prévisions, 50% des voitures neuves achetées en 2030 en Suisse devraient être électriques. Cependant, le réseau de bornes de recharge ne suit pour l’instant pas ce rythme, en particulier dans les immeubles locatifs.


Est-ce que ce retard est-il dû au cadre juridique suisse ?


Voici un panorama des problématiques à étudier en amont :


1. Type de propriété et d’utilisation :


L’aménagement de bornes de recharge électrique est le plus souvent liée à la rénovation de toitures et l’installation de panneaux solaires. Se pose en premier la question de savoir s’il s’agit d’un immeuble en propriété individuelle ou d’une copropriété, le plus souvent par étages. Il y a aussi le cas plus particulier des entreprises souhaitant s’équiper de stations de recharge pour leurs collaborateurs par exemple.


Enfin, il y a le cas des stations de recharge à caractère commercial, soit un propriétaire qui entend installer des bornes afin de faire payer les recharges aux utilisateurs et d’en tirer un bénéfice.


Ces différents cas doivent être distingués et entrainent des conséquences juridiques différentes.


Le cas de la propriété privée individuelle ne soulève pas de questions particulières, le propriétaire pouvant décider librement d’installer une telle borne. Il devra veiller plutôt à des questions techniques en lien avec l’aménagement de cette borne et l’arrivée d’électricité.


Le cas de la copropriété, respectivement de la PPE, soulève toutefois d’autres problématiques. Les places de stationnement sont parfois détenues par tous les copropriétaires, comme une partie commune ; c’est le plus souvent le cas des places extérieures. Les parkings souterrains sont quant à eux généralement détenus par chaque copropriétaire individuellement, comme une part de copropriété par étages.


L’utilisation des parties communes d’une copropriété est régie par un Règlement d’utilisation ou un Règlement de PPE. Ainsi, l’aménagement d’une borne sur une place extérieure considérée comme une partie commune nécessitera forcément l’autorisation des autres copropriétaires, car cette installation impacte une surface commune. Pour ce qui est du copropriétaire qui souhaite installer une borne sur sa place de parking propre, qu’il détient comme une part de PPE, il sera libre de le faire à partir du moment où il prend à sa charge tous les frais.


En pratique, l’on voit toutefois de plus en plus de bornes installées sans concertation aucune des voisins et copropriétaires. D’un point de vue technique, le réseau électrique d’un immeuble en PPE n’est souvent pas fait pour accueillir autant de bornes électriques à la fois, à moins d’aménagement spéciaux. Le risque de panne est donc important.


Il est donc vivement recommandé à tous copropriétaires de ce concerter et de prévoir ensemble une infrastructure coordonnée, qui permettrait d’équiper toutes les places de stationnement. Différents niveaux d’équipement existent, ce qui permet également aux copropriétaires qui ne sont pas intéressés par une borne de ne pas avoir à en supporter les frais, tout en ayant fait l’investissement utile d’équiper leur place. Une telle infrastructure engendre naturellement des frais, ce qui soulève la question des majorités.


Dans le cas d’une PPE, se pose la question de savoir de quel type de travaux il s’agit afin de déterminer les majorités nécessaires lors d’une assemblée générale. Les travaux dits « nécessaires » (art. 647c CC) sont pris à la majorité simple, alors que les travaux dits « utiles » (art. 647d CC) nécessitent une double majorité, soit la majorité des copropriétaires, dont les parts réunies représentent plus de la moitié de l’ensemble des parts de la copropriété.


Les travaux dits « pour l’embellissement ou la commodité » (art. 647e CC) doivent être décidés avec le consentement de tous les copropriétaires.


En l’absence d’une jurisprudence à cet égard, l’installation de bornes électriques doit être considérée – de l’avis de la soussignée – comme des travaux utiles. Il s’agit de répondre à un besoin des propriétaires et utilisateurs d’un immeuble, de même qu’apporter une plus-value au bien immobilier.


Dans ce cas, il faudrait réunir la double majorité, des copropriétaires et des parts qu’ils représentent.


Néanmoins, dès lors qu’une telle installation soulève des questions pratiques et techniques, en particulier en lien avec la répartition des frais d’électricité, il serait également opportun de prévoir la modification du règlement d’utilisation ou de PPE afin de traiter de cette question. Cela permet aussi à la copropriété de disposer d’une base légale s’il s’avérait nécessaire d’agir contre un copropriétaire récalcitrant, qui continuerait par exemple de charger son véhicule électrique sur une prise d’alimentation commune à la PPE.


2. La situation des locataires :


Les bailleurs sont désormais confrontés à des demandes de plus en plus fréquentes de locataires de pouvoir bénéficier de bornes de recharge. Bien qu’il n’existe aucun droit pour le locataire à disposer d’une telle borne, le bailleur peut soit accéder à cette demande, soit autoriser le locataire à l’installer à ses frais (art. 260a CO), sous réserve des autorisations nécessaires (cf. ci-dessous).


Si le bailleur accepte d’installer une borne à ses frais pour en faire bénéficier le locataire, il serait alors utile de modifier l’objet du contrat de bail pour préciser ce point. Se pose enfin la question de répercuter les frais d’installation sur le loyer : l’art. 269a let. b CO permet en principe au bailleur d’augmenter le loyer lorsqu’il a fourni une prestation supplémentaire. Dite augmentation doit évidemment rester raisonnable et ne pas être abusive, de même qu’être notifiée pour le prochain terme de résiliation.


3. Questions de droit public :


La question de savoir s’il faut requérir une autorisation pour installer une borne ou une station de recharge électrique diffère d’un canton à l’autre, voire d’une commune à l’autre.


A titre d’exemple, aucune autorisation n’est nécessaire dans le canton de Genève pour une station installée dans un garage souterrain. Pour ce qui est des bornes situées à l’extérieur, aucune autorisation n’est nécessaire s’il s’agit d’un propriétaire individuel, mais tel n’est plus le cas s’il s’agit d’un immeuble résidentiel, voire d’une entreprise.


Dans le canton de Vaud, aucune autorisation n’est nécessaire, alors qu’elle l’est à Fribourg.


Le cadre juridique suisse est donc parfois relativement contraignant dans certains cantons, ce qui pourrait peut-être expliquer le retard pris par l’installation de ces bornes. Différentes motions parlementaires déposées dans plusieurs cantons visent à simplifier les procédures et à permettre une accélération de ce processus d’équipement.


La question des bornes de recharge situées sur le domaine public ou destinées à la commercialisation soulève en revanche des questions plus complexes, qui ne seront pas traitées ici.


D’un point de vue du droit public, la question la plus intéressante à étudier pour les propriétaires reste de savoir quelles sont les éventuelles subventions proposées, voire déductions fiscales relatives aux frais d’installation.


En conclusion, dès lors que le besoin en nouvelles stations de recharge ne va faire qu’augmenter, les propriétaires d’immeubles en PPE ainsi que les bailleurs devront être particulièrement attentifs à respecter le cadre juridique posé, tout en profitant des subventions actuellement proposées à cet effet.

Vous avez des questions par rapport à la problématique abordée dans cet article ?

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