Droit des sociétés

Le difficile exercice de la liquidation d’une société simple

Le Tribunal fédéral a récemment eu l’occasion de rappeler les principes régissant la dissolution d’une société simple, notamment quant au fait que les apports des associés qu’ils soient en argent ou en industrie (travail) doivent être traités de manière égale et mis en lumière l’impérative nécessité de décrire précisément les droits et les obligations des associés d’une société simple.


L’affaire que notre Haute Cour (TF, arrêt 4A_328 2019 du 9 décembre 2019) a été amenée à trancher opposait deux promoteurs immobiliers ayant unis leurs ressources dans le but de réaliser divers projets immobiliers. La collaboration reposait, d’une part, sur les apports en argent de l’un des promoteurs et, d’autre part, sur les prestations d’architecte de l’autre promoteur. A la suite de l’échec de certains projets immobiliers, le promoteur qui finançait les projets a requis le remboursement de ses apports. L’autre promoteur oppose en compensation la moitié des honoraires engagés dans l’un des projets immobiliers à titre de partage des pertes dans la société simple.


Bien que les parties aient collaboré sur divers projets immobiliers, l’arrêt dont il est question n’en traite qu’un et a renvoyé l’affaire à l’Autorité inférieure pour nouvelle décision.


Dans le cadre de ce projet, le promoteur financier avait investi CHF 1’500’000.- à titre d’avance pour l’achat d’un terrain. A la suite de l’échec du projet, il a pu récupérer auprès du vendeur un montant de CHF 1’000’000.-. Par ailleurs, ce projet avait occasionné des frais à hauteur de CHF 185’792.15. L’Autorité inférieure avait, sur cette base, retenu que le projet avait occasionné une perte de CHF 685’792.15. Le promoteur financier avait ainsi le droit de récupérer la différence entre le solde son apport non-couvert (CHF 500’000.-) et sa participation à la perte par CHF 342’896.-, soit un total de CHF 157’104.-. L’Autorité inférieure a de plus rejeté les prétentions de l’autre promoteur qui souhaitait que soient prises en compte ses honoraires d’architecte s’élevant à CHF 2’505’802.-.


Le Tribunal a contesté ce raisonnement et rappelé les principes régissant la dissolution de la société simple, en rappelant que chaque associé est tenu de faire un apport que ce soit en argent, en créances, en d’autres biens ou en industrie (travail). La distinction entre une dépense et un apport est difficile, mais la distinction revêt une grande importance dans le cadre de la liquidation.


En effet, au moment de la liquidation de la société simple, il convient de déterminer l’actif social (1), de payer les dettes (2), de rembourser les dépenses et avances faites par les associés (3).


Si le résultat de la liquidation est positif, le solde peut être alloué au remboursement des apports des associés et, cas échéant, à la répartition du bénéfice.


Si, en revanche, le résultat de la liquidation est négatif, cela donne lieu à une perte de liquidation qui doit être répartie, sauf convention contraire des parties, par moitié (art. 549 al. 2 CO), étant précisé que l’on est déjà dans une situation de perte lorsque le capital social – après le paiement des dettes, dépenses et avances – ne suffit pas à restituer aux associés tous les apports, y compris les apports en industrie.


Or, selon le Tribunal fédéral, l’Autorité inférieure a violé ces principes en opérant une distinction injustifiée entre l’apport en argent (paiement de CHF 1’500’000.-) opéré par l’un des promoteurs et l’apport en industrie (honoraires d’architecte d’une valeur de CHF 2’505’802.-) de l’autre promoteur. Par conséquent, tant les apports en argent que les apports en industrie (travail) doivent être pris en considération dans le cadre de la détermination du résultat final.


Le Tribunal fédéral retient que l’Autorité inférieure doit revoir son jugement en intégrant, s’ils sont justifiés, les honoraires d’architecte par CHF 2’505’802.- au même titre que l’apport en argent effectué par le promoteur financier. Si la distribution de l’intégralité de l’actif social à l’associé ayant effectué des apports plus importants ne suffit pas à mettre les associés sur un pied d’égalité du point de vue de la répartition de la perte, l’autre associé pourrait être tenu d’effectuer un versement complémentaire.


Il ressort de ce qui précède que les règles de la société simple peuvent avoir des conséquences importantes pour les associés en cas de liquidation. Toute personne qui souhaite s’engager dans une société simple a dès lors tout intérêt à conclure avec ses associés un contrat en la forme écrite décrivant notamment les apports de chaque associé, le pouvoir de représentation de chaque associé, la répartition du bénéfice et de la perte.


WILHELM Avocats peut vous assister et vous conseiller dans le cadre de la rédaction d’un contrat de société simple.

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