Le Conseil fédéral a pris le 17 avril dernier (avec entrée en vigueur le 20 avril 2020 pour six mois maximum), sous la forme d’une Ordonnance (sous le titre « l’Ordonnance insolvabilité COVID-19 », des mesures visant à (i) alléger les obligations du conseil d’administration d’aviser le juge en cas de surendettement cf. https://www.ejpd.admin.ch/dam/data/bj/aktuell/news/2020/2020-04-16/vo-covid19-insolvenz-f.pdf. et (ii) instaurer un « Sursis COVID-19 » de trois mois.
Nous pensons que ces mesures ne seront en réalité que de peu d’utilité pour les entreprises suisses durement frappées par la crise économique actuelle tant le cercle de celles à qui elles s’adressent est restreint.
En effet, toutes les entreprises qui souffrent économiquement et financièrement des effets de la pandémie actuelle ne peuvent pas en bénéficier.
En premier lieu, ces mesures ne permettent pas d’améliorer la trésorerie des sociétés. En effet, l’avis au juge est une mesure fondée sur la situation comptable et sur le bilan de la société concernée. Une société peut devoir faire l’avis au juge même si elle dispose de certaines liquidités pour permettre de continuer son exploitation. A ce sujet, il faut souligner que les crédits COVID de plus de CHF 500’000.- sont à considérer comme des dettes et peuvent donc impacter le bilan de la société en ayant bénéficié.
En second lieu, elles ne s’adressent qu’aux sociétés qui n’étaient pas en surendettement en 2019 et qui ont de bonnes raisons de penser qu’il existe une perspective (qui n’a plus besoin d’être « raisonnable ») de mettre fin au surendettement au 31 décembre 2020. Elles ne s’adressent même pas aux sociétés qui n’étaient pas en surendettement à la suite des mesures d’assainissement prévues à l’article 725 al. 2 CO par la postposition d’une créance d’un actionnaire (selon le commentaire de l’OFJ https://www.ejpd.admin.ch/dam/data/bj/aktuell/news/2020/2020-04-16/erlaeuterungen-covid19-insolvenz-f.pdf.) Ainsi donc, les sociétés qui étaient déjà en difficulté en 2019 ne trouveront pas de salut dans ces mesures, même si la crise actuelle a certainement encore aggravé leur situation.
On ne voit finalement correspondre aux critères du Conseil fédéral que les sociétés (i) qui doivent clôturer leur exercice comptable durant le cours de l’année 2020 (par exemple au 31 mars 2020 – alors que la grande majorité clôturent au 31 décembre, voire au 30 juin), (ii) qui seraient alors en fonds propres négatifs (peut-être justement parce qu’elles ont conclu un crédit COVID de plus de CHF 500’000.- qui doit être inclus dans les dettes figurant au bilan) et (iii) qui ont de bonnes raisons de penser qu’il existe une perspective de mettre fin au surendettement au 31 décembre 2020.
Plus retreint encore est le cercle des entreprises pouvant bénéficier du Sursis COVID-19 de trois mois (prolongeable une fois seulement) instaurés par cette ordonnance. En effet, pour pouvoir valablement requérir ce sursis, les entreprises doivent non seulement répondre aux critères susmentionnés (ne pas avoir été en surendettement au 31 décembre 2019) mais également être des PME, c’est-à-dire ne pas avoir dû répondre en 2019 aux critères légaux les soumettant au contrôle ordinaire de leurs comptes.
En définitive, comme pour les crédits COVID, les mesures du Conseil fédéral ne touchent que les entreprises dont la santé financière était saine en 2019 et qui sont frappées de plein fouet et brutalement par les effets des mesures sanitaires prises par la pandémie actuelle, mais qui vont, une fois ces mesures levées, pouvoir se remettre rapidement (soit avant la fin de cette année) dans les chiffres noirs. Il apparaît ainsi que le cercle de ces bénéficiaires est pour le moins limité.
La plus grande prudence et la plus extrême vigilance s’imposent donc actuellement aux dirigeants d’entreprises et aux conseils d’administration des sociétés visées par cette Ordonnance. C’est dans cette optique qu’apparaît, à notre sens, la principale utilité pratique de ces mesures. En effet, elles permettront a posteriori aux administrateurs de se dédouaner du reproche de n’avoir pas avisé le juge si, pendant la période d’application de cette Ordonnance, il eût normalement fallu qu’ils le fassent. Il importe donc au conseil d’administration des sociétés visées par cette Ordonnance de soigneusement documenter leur gestion, le cas échéant en faisant établir un bilan intermédiaire aux valeurs de continuation et de liquidation, aux fins de pouvoir, le cas échéant, justifier de leur gestion durant la période COVID.
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