Droit des sociétés

Personnes morales : comment se conformer aux exigences du droit suisse des sociétés pendant la crise du COVID-19 ?

Introduction


Comme nous l’avons déjà relevé, l’interdiction de toute réunion publique de plus de cinq personnes récemment ordonnée par le Conseil fédéral aboutit à empêcher toute tenue des « assemblées générales » des personnes morales de droit suisse durant la période d’interdiction si celles-ci doivent rassembler plus de cinq personnes. Cette interdiction est actuellement valable jusqu’au 19 avril 2020, mais risque de se prolonger.


Pour concilier cette ordonnance avec la nécessité de permettre aux personnes morales de continuer la marche de leurs affaires sociétales, le Conseil fédéral, à l’article 6a de l’Ordonnance 2 Covid-19 du 17 mars 2020, a autorisé ces personnes morales (on vise ici non seulement les sociétés anonymes, les Sàrl, mais également les sociétés coopératives et les associations) à imposer à leurs sociétaires d’exercer « leurs droits d’actionnaires » soit par écrit, soit sous forme électronique ou encore par l’intermédiaire d’un représentant indépendant. Pour les assemblées dont la date avait déjà été fixée, la décision de recourir à l’article 6a précité doit être notifiée par écrit ou électroniquement au plus tard quatre jours à l’avance. En cela, l’article 6a de l’Ordonnance 2 Covid-19 déroge aux termes des articles 689 à 689c ainsi qu’à l’article 700 du Code suisse des obligations (CO).


Selon le droit suisse, il incombe à l’organe exécutif de la société soit au gérant d’une Sàrl, au conseil d’administration d’une SA ou au comité d’une association de mettre en œuvre l’organisation de cette assemblée.


Relevons que les décisions et les séances du conseil d’administration ne sont pas visées par l’article 6a puisque l’article 713 de l’al. 2 permet de prendre celles-ci par écrit ou par voie de circulation. Naturellement les statuts de la personne morale concernée sont réservés.


Nos conseils


Nous préconisons d’adopter le calendrier suivant, lequel doit être décidé avant le 19 avril 2020, pour permettre l’organisation de telles assemblées durant la période de crise actuelle.


Dans ce cadre, nous prendrons l’exemple d’une société anonyme (SA) agissant par son conseil d’administration (CA).


1. Date


Le CA doit en premier lieu décider de la date de l’assemblée générale (AG) ou de son report au prochain semestre. Nous attirons l’attention sur le fait que l’AG doit en tous les cas se tenir à une date précise et ne peut pas être virtuelle ou organisée par circulation. L’article 6a précité ne le permet pas.


A ce titre, bien que l’article 699 CO exige que l’assemblée soit tenue dans les six mois suivant la clôture des comptes annuels, ce délai n’est qu’un délai d’ordre dont le non-respect n’est pas suivi de sanction immédiate.


Nous conseillons toutefois de faire en sorte que l’AG se tienne bien dans le délai précité, un report pouvant se révéler contraire aux intérêts de la société ou même engager la responsabilité du conseil d’administration.


2. Forme


Le CA doit ensuite décider si les droits des actionnaires vont s’exercer lors de l’AG en la forme électronique, par écrit ou par l’intermédiaire d’un représentant indépendant.


Ce choix, qui, rappelons-le, doit être fait avant le 19 avril 2020, n’est pas anodin. Le CA doit en effet s’assurer que tous les actionnaires ont eu connaissance de la convocation et de l’ordre du jour et ont donc bien pu exercer leurs droits en conséquence. En cas de conflit latent au sein d’actionnaires, nous conseillons d’éviter la forme électronique pour l’envoi des convocations, cette forme étant à notre sens toujours sujette à caution. Comment, en effet, s’assurer de l’authenticité d’un bulletin de vote envoyé par email ?


Nous préconisons donc de recourir à la forme écrite. Nous conseillons au surplus l’envoi d’une invitation écrite par lettre recommandée. C’est à notre sens le moyen le plus sûr de s’assurer que chaque actionnaire a bien eu connaissance de cette convocation.


Dans le cas où le capital-actions est composé d’actions au porteur, une publication au journal officiel est souvent le seul moyen de respecter cette obligation d’information et de convocation.


Notons que la désignation d’un représentant indépendant est possible non seulement si la société est cotée en bourse mais également si elle ne l’est pas. L’option prévue dans ce cadre par l’article 6a rejoint celle déjà prévue par l’article 689c CO.


Enfin, nous sommes d’avis que l’article 6a ne permet pas de tenir l’AG par des moyens audiovisuels uniquement. Ainsi, si l’AG peut être retransmise sous forme de vidéoconférence, le droit de vote doit s’exercer selon l’une ou l’autre des options énumérées limitativement par l’article 6a soit par bulletin de vote écrit, par bulletin de vote envoyé par email ou par l’intermédiaire d’un représentant indépendant.


3. Mise en oeuvre


Le CA doit ensuite fixer le calendrier de l’organisation de l’assemblée générale. A notre sens, les étapes de ce calendrier sont les suivantes :


  • Approbation de l’ordre du jour provisoire par le conseil d’administration ;
  • Annonce de cet ordre du jour aux actionnaires avec envoi d’un formulaire de vote avec possibilité de proposition, demande d’informations et fixation d’un délai pour ce faire ;
  • Fixation d’une date limite pour la réception des bulletins de vote et des demandes d’informations ;
  • Tenue de l’assemblée générale proprement dite.


4. Contenu


L’article 6a s’applique à toutes les assemblées qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires.


La crise actuelle n’empêche ainsi pas les actionnaires et les sociétés en application de l’article 699 al. 3 de requérir la convocation d’une assemblée générale extraordinaire et/ou d’exiger que certains points particuliers soient prévus à l’ordre du jour.


Rappelons que l’article 701 permet, s’il n’y a pas d’opposition, de tenir une assemblée générale universelle sans respecter les formes légales de convocation. Toutes les actions doivent donc être soit présentes soit représentées. Le bulletin de vote qui peut être envoyé électroniquement ou par écrit dans le cadre de l’application de l’Ordonnance Covid-19 devra ainsi éviter de donner une procuration générale au représentant indépendant pour ne pas lui permettre de décider ce qu’il veut sur n’importe quel objet entrant dans la compétence de l’assemblée générale.


Au vu de ce qui précède, nous conseillons donc de ne tenir que les assemblées générales ordinaires prévoyant un ordre du jour classique et habituel et de réserver les points particuliers lors d’AG extraordinaires qui pourront se tenir si et quand la crise Covid-19 sera dissipée.


En conclusion et en tout état de cause, il apparait que la convocation à une assemblée générale n’est pas un acte anodin. Elle doit être soigneusement planifiée et gérée par le conseil d’administration.


WILHELM Avocats SA est à même de conseiller utilement les personnes morales dans ce type de problématique.

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