Litiges en droit de la construction

Le droit suisse des contrats étend à deux ans en faveur de l’acheteur et en faveur du maître de l’ouvrage le délai pour faire valoir une action en garantie des défauts de la chose vendue ou de l’ouvrage

Dès le 1er janvier 2013, l’article 210 du code suisse des obligations qui régit l’ensemble des dispositions contractuelles applicables à la vente de choses mobilières a été modifié pour étendre à deux ans le délai imparti à l’acheteur pour ouvrir action en garantie des défauts de la chose vendue. En matière de vente immobilière, ce délai demeure à cinq ans.


Il en est de même de l’action en garantie des défauts de l’ouvrage dans le cadre du contrat d’entreprise ayant pour objet une chose mobilière dont la prescription est étendue d’un an à deux ans avec la révision de l’article 371 CO, prévue dans la même novelle du 16 mars 2012. Toutefois, si la chose mobilière a été intégrée à un ouvrage immobilier conformément à l’usage auquel il est normalement destiné et que les défauts de cet ouvrage mobilier sont à l’origine des défauts de l’ouvrage immobilier, ce délai est alors de cinq ans, cela pour aligner le délai à celui en matière immobilière qui reste à cinq ans. Cette mesure est destinée à permettre à l’entrepreneur qui serait actionné par le maître de l’ouvrage pour des défauts à l’ouvrage immobilier mais causés par la chose mobilière intégrée à celui-ci, de pouvoir se retourner à temps à l’encontre de ses sous-traitants sans se voir opposer une prescription plus courte.


Le délai court à compter de la livraison faite à l’acheteur, même si ce dernier a découvert le défaut plus tard, à moins, toutefois, que l’acheteur puisse démontrer que le vendeur l’a intentionnellement induit en erreur. Naturellement, le vendeur et l’acheteur peuvent stipuler un délai de plus longue durée.


Les biens culturels et les ventes de choses d’occasion suivent toutefois un régime particulier. L’action en garantie des défauts des premiers se prescrit par un an à compter de la découverte des défauts et les seconds par un an également mais à compter de la date de la livraison.


L’article 210 CO stipule en outre que toute clause contractuelle prévoyant un délai de prescription inférieur à deux ans « […] est nulle si les conditions suivantes sont remplies :


– la clause prévoit un délai de prescription inférieur à deux ans ou, en cas de vente de choses d’occasion, inférieur à un an ;
– la chose est destinée à l’usage personnel ou familial de l’acheteur ;
– le vendeur agit dans le cadre d’une activité professionnelle ou commerciale.


A notre avis, ces trois conditions sont cumulatives. Si seule un ou deux de ces conditions avaient suffit pour rendre nulle toute réduction du délai de prescription, le texte de l’article 210 CO l’aurait clairement précisé. Par ailleurs, comme nous le verrons ci-après. Le but de cette révision est de mieux protéger les consommateurs. A contrario, en matière purement commerciale ou professionnelle, un délai de prescription inférieur à deux ans doit toujours pouvoir être convenu entre les parties.


Pour l’acheteur, il s’agit d’une amélioration puisqu’auparavant, celui-ci ne disposait que d’une année pour faire valoir ses droits. C’est d’ailleurs le but de cette révision qui vise expressément « la protection des consommateurs ». Les Chambres fédérales ont en effet été d’avis que l’ancien délai d’un an était trop court, ce d’autant plus qu’il commençait à courir dès la livraison de la chose. Il s’agissait également d’adapter les normes du droit suisse des contrats au régime prévu par l’article 39 al. 2 de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises et à l’article 5 ch. 1 de la Directive européenne 1999/44/CE sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.


Pour le vendeur, au contraire, il s’agit d’une péjoration de sa situation puisque celui-ci reste sous la menace de ce délai plus long.


Cette révision entre en vigueur au 1er janvier 2013 et s’applique immédiatement.  Elle prolonge ainsi le délai de prescription d’un an de l’ancien droit qui ne serait pas arrivé à échéance au 1er janvier 2013, cela pour la différence entre le délai de deux ans et la période s’étendant entre la date de livraison et celle du 1er janvier 2013. Ainsi, le délai pour ouvrir action en garantie des défauts d’une chose dont la livraison a été effectuée le 3 janvier 2012 et qui arriverait à échéance sous l’ancien droit au 3 janvier 2013, se verra prolongé au 3 janvier 2014.


Relevons toutefois que cette révision ne porte que sur le délai de prescription de l’action en garantie des défauts. Elle ne modifie pas le reste du régime légal au sujet de la garantie des défauts de la chose dans le cadre de vente mobilière ou de contrat d’entreprise portant sur un ouvrage mobilier. A ce sujet, rappelons que l’acheteur, en vertu de l’article 201 CO qui reste inchangé, conserve l’obligation de vérifier immédiatement après sa livraison l’état de la chose reçue et d’aviser sans délai le vendeur des défauts éventuels constatés, sous peine de se voir dénier la faculté d’ouvrir action en raison de ces défauts, la chose ayant été réputée acceptée en l’état. De même l’article 199 CO qui prévoit la faculté pour le vendeur de supprimer ou de restreindre sa garantie n’est pas modifié par cette révision. Le vendeur reste donc libre de prévoir une garantie d’une année seulement.



Notre avis :
L’extension à deux ans du délai de prescription de l’action en garantie des défauts de la chose permet d’adoucir le droit suisse des contrats en faveur des consommateurs sans pénaliser le vendeur qui bénéfice toujours du régime strict de l’avis immédiat des défauts de l’article 201 CO et qui pourra également bénéficier de l’allongement de ce délai pour éventuellement se retourner contre son ou ses propres fournisseurs. Par ailleurs, en matière commerciale ou professionnelle, les parties sont toujours libres de convenir d’un délai de prescription inférieur à deux ans.


Auteur : Me Christophe Wilhelm

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