Droit des contrats

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs et PPE : un casse-tête en perspective

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L’artisan ou l’entrepreneur souhaitant requérir l’inscription d’une hypothèque légale pour des travaux réalisés sur un immeuble constitué en propriété par étages en garantie de ses prétentions doit être très vigilant dans la détermination de l’immeuble sur lequel il requiert l’inscription. A défaut, il s’expose à ce que sa requête soit rejetée.


1. L’hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs – un bref rappel


L’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs permet aux artisans, aux entrepreneurs et à leurs sous-traitants de requérir l’inscription d’une hypothèque légale pour garantir le paiement de leurs prestations en relation avec l’immeuble.


L’inscription d’une telle hypothèque est subordonnée aux conditions suivantes :


  1. Le requérant est un entrepreneur ou un artisan ;
  2. Il a réalisé des travaux en application d’un contrat d’entreprise (travaux de construction, de démolition, montage d’échafaudage, sécurisation d’une excavation, fourniture de matériel ou de travail etc.) ;
  3. Il doit désigner l’immeuble sur lequel ont porté les travaux ;
  4. Le droit de gage doit être inscrit au Registre foncier au plus tard quatre mois après la fin des travaux ;
  5. Aucune sûreté suffisante n’a été octroyée.


L’hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs existe en raison du fait que le travail et le matériel fourni par ces derniers étaient traditionnellement payé après la livraison de l’ouvrage (art. 372 al. 1 CO). En cas de non-paiement, l’artisan ou l’entrepreneur ne pouvait prétendre à récupérer l’ouvrage livré dès lors que celui-ci, désormais intégré à l’immeuble du maître d’ouvrage, était désormais propriété de celui-ci en vertu du principe de l’accession. L’hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs visait ainsi à offrir aux entrepreneurs et artisans un moyen de garantir leurs créances.


2. Sur quel immeuble inscrire l’hypothèque légale des artisans lorsque les travaux concernent une PPE ?


Les artisans et entrepreneurs sont souvent amenés à réaliser des prestations sur des immeubles constitués en PPE.


L’artisan ou l’entrepreneur qui souhaite faire inscrire une hypothèque légale pour des travaux réalisés sur un immeuble constitué en PPE doit tout d’abord déterminer si les travaux pour lesquels ils réclament une rémunération concernent les parties communes de l’immeuble ou les parties privatives.


Si les travaux concernent les parties communes de l’immeuble, l’artisan ou l’entrepreneur peut soit demander l’inscription de l’hypothèque sur l’immeuble de base, soit répartir sa créance sur les diverses parts de copropriété en fonction de la valeur de celles-ci. Il faut toutefois veiller à vérifier que les parts de propriété par étages ne soient pas déjà grevées d’un droit de gage. Le cas échéant, il n’est plus possible de faire inscrire une hypothèque légale sur l’immeuble de base.


Si les travaux concernent les parties privatives de l’immeuble, il conviendra de grever l’immeuble qui a bénéficié des travaux.


La situation peut s’avérer particulièrement complexe lorsqu’un entrepreneur s’est chargé de la réalisation de l’intégralité de l’ouvrage destiné à être constitué en propriété par étages sur la base d’un seul contrat. Dans ces situations, l’entrepreneur qui cherche à obtenir l’inscription d’une hypothèque légale devra se soumettre à l’exercice fastidieux de répartir le montant de sa créance demeuré impayé entre chaque part de copropriété par étages.


Exemple : Un entrepreneur réalise un immeuble de cinq appartements pour le compte d’un maître d’ouvrage sur la base d’un seul contrat d’entreprise général. Les parts de propriété par étages sont toutes de 200/1’000èmes et sont grevées d’hypothèques. L’entrepreneur a une créance envers le maître d’ouvrage de CHF 100’000.- résultant de plus-values. Ces plus-values résultent, d’une part, des matériaux utilisés dans la cage d’escalier pour CHF 20’000.- et à l’installation de mezzanines dans 4 appartements pour CHF 20’000.- chacune.


Dans ce cas, l’entrepreneur ne peut pas inscrire d’hypothèque légale sur l’immeuble de base dès lors que les parts de propriété par étages sont déjà grevées. Il devra donc agir sur les parts de copropriété. Dans le cas d’espèce, l’entrepreneur doit déterminer si les travaux portent sur des parties communes ou des parts privatives et répartir le montant des travaux sur les diverses parts.


Les plus-values relatives à la cage d’escalier portent sur des parties communes et doivent donc être réparties sur toutes les parts de copropriété en fonction des parts respectives. Dans le cas d’espèce, dès lors que les parts de propriété par étages sont toutes de 200/1’000èmes, les CHF 20’000.- seront réparties à raison de CHF 4’000.- par part de propriété par étages.


Les mezzanines bénéficient uniquement aux appartements concernés dès lors que ces travaux concernent les parts privatives. Aussi, c’est les parts de propriété par étages qui doivent être grevées.


L’entrepreneur devra donc requérir l’inscription d’une hypothèque légale sur les cinq parts constituant l’immeuble avec la répartition suivante :


  • CHF 4’000.- pour le seul appartement sans mezzanine (part relative à l’escalier) ;
  • CHF 24’000 pour les quatre autres appartements disposant d’une mezzanine (escalier + mezzanine).


Dans cet exemple, l’entrepreneur peut assez aisément attribuer à chaque part le montant de ces travaux dès lors que ceux-ci sont déterminés. Il sera autrement plus difficile de répartir entre les parts de copropriété lorsque les travaux ne sont pas clairement définis.


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Nous conseillons aux artisans et entrepreneurs qui réalisent des travaux sur des fonds constitués en propriété par étages de déterminer pour chaque prestation fournie quel fonds bénéficie des travaux, même lorsque les travaux reposent sur un seul contrat global. A défaut, l’inscription d’une hypothèque légale en garantie des créances peut s’avérer difficile.

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