Le droit suisse actuel est très libéral sur la question de la fixation des rémunérations des administrateurs de société anonymes. La seule disposition prévue actuellement par le code des obligations porte sur les tantièmes, soit l’attribution des bénéfices réalisés par la société en faveur des administrateurs. Selon la loi, les statuts de la société doivent prévoir une telle distribution.
Celle-ci est de la compétence inaliénable de l’assemblée générale des actionnaires. La distribution de tantièmes étant tombée en désuétude, le silence de la loi a permis de réserver dans la pratique au conseil d’administration le soin de fixer en faveur de ses membres tout autre rémunération, comme l’octroi d’options, d’actions, d’honoraires ou tout autre forme de rémunération. Les actionnaires ne peuvent donc avoir actuellement en droit suisse accès ni au principe, ni à la quotité de ces rémunérations, ni même en connaitre les détails comme leur montants ou les raisons de leur attributions. Il en va de même de la rémunération des organes dirigeants non membres du conseil d’administration.
La crise financière de 2008 a déclenché en Suisse la réaction « citoyenne » de M. Thomas Minder, un chef d’une PME du canton de Schaffhouse au nord de Zurich, par le dépôt d’une initiative populaire prévoyant en substances les trois obligations suivantes pour les sociétés suisses cotées en bourse en Suisse ou à l’étranger: (i) l’assemblée générale vote chaque année la somme globale des rémunérations du conseil d’administration mais aussi celle des membres de la direction et du comité consultatif ; (ii) l’interdiction des indemnités de départ et des primes pour des achats et des ventes d’entreprises, les statuts devant prévoir expressément le montant des rentes, des crédits et des prêts octroyés aux membres des organes, les plans de bonus et de participation et le nombre de mandats externes de ces derniers, de même que la durée du contrat de travail des membres de la direction, (iii) le principe de l’élection annuelle et individuelle des membres du conseil d’administration.
Le dépôt et la validation de cette initiative ont forcé les chambres fédérales à réagir. Après plusieurs années de délibérations et de débats politico-juridiques, le parlement s’est dernièrement accordé pour proposer au vote du peuple un contre-projet en la forme d’une modification du code des obligations en matière de droit des sociétés.
Cette modification prévoit d’imposer une réglementation beaucoup plus stricte aux indemnités des membres du conseil d’administration, mais aussi de la direction et du conseil consultatif dont les actions sont cotées en bourse. Ainsi, le conseil d’administration de telles sociétés devrait édicter un règlement spécifique sur ces indemnités. Celles-ci doivent être fixées en considération de la situation économique de l’entreprise, de sa prospérité à long terme ainsi qu’en adéquation avec « les tâches, la prestation et la responsabilité du bénéficiaire ». L’assemblée générale devrait approuver ce règlement et pourrait même, dans certaines circonstances, le modifier. Le conseil d’administration devrait également établir un rapport de rémunération dont le code des obligations préciserait le contenu minimal. Ce rapport, à l’instar du rapport de gestion, serait présenté au vote de l’assemblée générale. Celle-ci devrait également se prononcer annuellement sur l’approbation du montant global décidé par le conseil d’administration sur les indemnités susmentionnés, tant celles destinées au conseil d’administration que celles qui devraient être alloués à la direction. Suivant les statuts, ce vote pourrait avoir un caractère contraignant ou consultatif. Il devrait être pris à la majorité des deux tiers. Les indemnités de départ et les indemnités anticipées seraient interdites, à moins que l’assemblée générale accepte de déroger à cette interdiction ce qu’elle pourrait faire uniquement si ces indemnités étaient dans l’intérêt de la société. En ce qui concerne l’élection au conseil d’administration, le projet de loi prévoit que cette élection devrait avoir lieu individuellement tous les ans et que le Président serait élu par l’assemblée générale à moins que les statuts ne réservent expressément cette compétence au conseil d’administration.
En revanche, comme l’initiative Minder, la modification du code des obligations n’impose pas de telles obligations aux sociétés non cotées. Pour ces dernières, le projet de loi n’introduit que des dispositions permettant l’utilisation de médias électroniques pour l’organisation de l’assemblée générale et des modalités légèrement plus précises quant au recours à un représentant indépendant des actionnaires.
Nous sommes d’avis que les récents excès des entreprises, même suisses, en matière de rémunération de leurs dirigeants ont malheureusement rendu inévitable un renforcement de la loi à ce sujet. Les termes du projet de révision du code des obligations vont dans le bon sens et constituent la réponse la plus adéquate à cette problématique.
Auteur : Me Christophe Wilhelm
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