Droit du travail

Enregistrement du temps de travail des employés : évolution de la pratique

Soucieux de tenir compte de la réalité du terrain et du décalage toujours plus fréquent entre l’obligation formelle de contrôler la durée du travail, d’une part, et une évolution de l’organisation de celui-ci dans certains domaines d’activité, d’autre part, le SECO invite les Inspections cantonales du travail à adapter leur pratique lors des contrôles du temps de travail menés dans les entreprises soumises à la loi fédérale sur le travail.


Selon l’article 46 de la Loi fédérale sur le travail (LTr), chaque entreprise est tenue de documenter et de tenir à la disposition des autorités d’exécution et de surveillance les registres ou autres pièces contenant les informations nécessaires pour vérifier le bon respect des dispositions de la loi et de ses ordonnances. L’article 73 alinéa 1 de l’Ordonnance 1 relative à la loi sur le travail (OLT 1) prévoit que les registres prévus à l’article 46 LTr doivent notamment comporter les durées (quotidienne et hebdomadaire) du travail effectivement fourni, travail compensatoire et travail supplémentaire inclus, ainsi que ses coordonnées temporelles. Ils doivent également indiquer l’horaire et la durée des pauses d’une durée égale ou supérieure à une demi-heure. Cette législation n’est pas à prendre à la légère. Faute d’être respectée, elle peut en effet se révéler défavorable à l’employeur, notamment en cas de litige sur le nombre d’heures supplémentaires de travail réclamées. En effet, des lacunes dans l’organisation interne de l’employeur quant à la documentation du temps de travail peuvent conduire non seulement à renverser le fardeau de la preuve de ces heures supplémentaires en faveur de l’employé, mais encore à considérer que les heures supplémentaires réclamées ont bien été effectuées, faute pour l’employeur de pouvoir démontrer le contraire. S’agissant en particulier du contrôle du temps de travail, les Inspections cantonales du travail sont néanmoins toujours plus souvent confrontées à un décalage entre l’obligation de cette documentation formaliste d’une part, et l’évolution de l’organisation du travail de plus en plus flexible notamment dans certains secteurs professionnels, d’autre part. Désireux de tenir compte de la réalité du monde du travail, le SECO a adopté une nouvelle Directive, entrée en vigueur le 1er janvier 2014. Celle-ci répartit les travailleurs en trois catégories pour lesquelles l’application de l’article 73 OLT 1 varie :


A) Aucun enregistrement de la durée du travail : l’employeur n’est pas tenu procéder à un enregistrement pour les travailleurs qui exercent une fonction dirigeante élevée. Cela ressort déjà de l’article 3 lettre d LTr, et de l’article 9 OLT 1, lequel prévoit une définition très étroite de cette catégorie.


B) Enregistrement simplifié de la durée du travail : il s’agit là de la nouveauté instaurée par cette Directive du SECO. Pour les collaborateurs de cette catégorie, seul le nombre d’heures de travail fourni par jour doit être consigné. Sont visés les travailleurs qui n’exercent pas une fonction dirigeante élevée, mais disposent d’une large marge de manoeuvre dans leur travail et peuvent décider eux-mêmes du moment où ils travaillent, pour autant qu’ils ne travaillent pas régulièrement de nuit ou le dimanche.


Il s’agit typiquement, selon le SECO, d’un chef de projet, d’un cadre qui supervise des subordonnés ou d’un collaborateur avec un cahier des charges qui lui transfère la responsabilité du résultat de son activité et qui ne reçoit pas d’instructions quant à la manière de remplir son mandat. La renonciation à l’enregistrement complet de la durée du travail est toutefois soumise à la condition qu’un accord individuel écrit soit signé par le collaborateur concerné. Cet accord doit impérativement indiquer comment les périodes de repos et les pauses prescrites par la loi doivent être prises et préciser que le travail de nuit et du dimanche est interdit. Finalement, un entretien de fin d’année portant sur la charge de travail (sous l’angle du temps de travail fourni) doit avoir lieu et être consigné par écrit.


C) Enregistrement ordinaire de la durée du travail conformément à l’article 73 OLT 1 : cette règle s’applique à tous les autres employés.



Perspectives

Suite à l’abandon d’un projet de révision de l’OLT 1 en juillet 2013, on ne peut que se réjouir de cette Directive du SECO, qui prend en considération les conditions particulières liées à l’exercice de certaines fonctions, tout en préservant la santé des travailleurs concernés. Rappelons que la valeur des Directives du SECO est contraignante, au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral qui les considère comme la manifestation de la pratique obligatoire en droit du travail.


Auteur : Me Aurélie Cornamusaz

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