Droit du travail

L’interdiction en suisse de travailler le dimanche et les jours fériés

Le principe de l’interdiction de travailler le dimanche et les jours fériés et l’interprétation restrictive des dérogations y relatives ont été à nouveau confirmés par le Tribunal fédéral dans un arrêt du 17 mars 2012.
Le Tribunal fédéral suisse a eu à connaitre de l’état de fait suivant concernant une entreprise suisse dont le siège se trouve dans le canton de Genève.


Dans le cadre de son activité, une société basée en Suisse a pour activité l’acquisition de parfums à l’étranger, leur importation en Suisse puis leur exportation en France en fonction de commandes reçues par internet. La société emploie 26 personnes, majoritairement des frontaliers de nationalité française. La société a déposé une demande de dérogation afin de faire travailler 8 employés le Vendredi-Saint 2 avril 2011, jour férié en Suisse, de 9 heures à 14 heures. La société serait en effet particulièrement sollicitée par sa clientèle ce jour-là et l’impossibilité de servir ses clients lui causerait d’importants désagréments qui la rendraient moins attractive.


L’Office cantonal, puis la Cour de justice, ont rejeté sa demande. La société a recouru au Tribunal fédéral. L’article 18 de la Loi sur le travail (LTr) pose le principe de l’interdiction du travail dominical du samedi à 23 heures au dimanche à 23 heures. Le jour de la fête nationale suisse est assimilé à un dimanche. Les cantons peuvent assimiler huit autres jours fériés par an au dimanche. L’article 19 LTr, qui distingue le travail dominical régulier ou périodique du travail dominical temporaire, est réservé et prévoit que des dérogations soumises à autorisation sont possibles. Le travail dominical régulier ou périodique est soumis à l’autorisation de l’office fédéral compétent et est autorisé lorsque des raisons techniques ou économiques le rendent indispensable. Il y a indispensabilité technique lorsqu’un procédé de travail ou des travaux ne peuvent être interrompus ou reportés sans entraîner des inconvénients majeurs et inacceptables. Il y a indispensabilité économique lorsque l’interruption et la reprise d’un procédé de travail engendrent des coûts supplémentaires considérables, susceptibles de compromettre fortement la compétitivité, ou lorsque le procédé de travail utilisé requiert inévitablement un investissement considérable, impossible à amortir sans travail de nuit ou du dimanche, ou encore lorsque la compétitivité de l’entreprise est fortement compromise face aux pays à niveau social comparable, où la durée du travail est plus longue et les conditions de travail différentes, et que la délivrance du permis, selon toute vraisemblance, assure le maintien de l’emploi. Le travail dominical temporaire est soumis à l’autorisation des autorités cantonales compétentes et est autorisé en cas de besoin urgent dûment établi. Il y a en substance besoin urgent lorsque s’imposent des travaux supplémentaires imprévus ou des travaux qui doivent impérativement, pour des raisons de sûreté publique ou de sécurité technique, être effectués de nuit ou le dimanche, ou en cas d‘interventions de durée limitée, de nuit ou le dimanche, dans le cadre d’événements de société ou de manifestations d’ordre culturel ou sportif.


Dans son arrêt du 17 mars 2012 (SJ 2012 I 491), le Tribunal fédéral suisse a clairement rappelé les principes légaux mentionnés ci-dessus. Il a jugé que les dérogations doivent être interprétées de manière restrictive et non de manière extensive même si les habitudes des consommateurs ont subi une évolution depuis l’adoption de la règle. S’agissant d’un besoin urgent de l’entreprise qui justifierait une autorisation de travail dominical temporaire, le Tribunal fédéral a jugé que l’entreprise n’avait invoqué ni travaux supplémentaires imprévus, ni raisons de sureté publique ou technique à l’appui de sa demande de dérogation. De plus, l’entreprise n’avait cité aucun évènement de société ou de manifestation culturelle qui aurait été à l’origine de la sollicitation des clients le Vendredi-Saint. Le fait que, en France, pays avec lequel l’entreprise travaille principalement, le Vendredi-Saint ne soit pas un jour de congé ne saurait justifier une dérogation pour besoin urgent. S’agissant de l’indispensabilité économique qui justifierait une autorisation de travail dominical régulier ou périodique, le Tribunal fédéral a relevé que l’entreprise a déposé une demande de dérogation temporaire devant l’autorité cantonale qui ne saurait être examinée comme une demande de dérogation régulière. S’agissant de la violation de la liberté économique, le Tribunal fédéral a rappelé que l’interdiction de travailler le dimanche et les jours fériés répond à un but de politique sociale et accorde aux travailleurs un temps libre supplémentaire. L’entreprise concernée étant une société suisse située sur le territoire suisse, c’est le système juridique suisse qui s’applique à son activité et elle ne peut prétendre ne pas devoir respecter les jours fériés du pays où elle exerce ses activités.


Toute entreprise suisse située sur le territoire suisse doit se soumettre au système légal suisse et donc à l’interdiction du travail le dimanche et les jours fériés (et ce même si la majorité de ses employés sont des frontaliers de nationalité française, même si le Vendredi-Saint n’est pas un jour férié en France et même si l’entreprise serait sollicitée par sa clientèle e jour-là). En droit suisse, le but de politique sociale de l’interdiction du travail dominical, et donc le but de protection des travailleurs, prime sur les habitudes des consommateurs qui ont évolué depuis l’adoption de la règle.



Auteur : Me Sandra Gerber

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