Droit du travail

Résiliation immediate pour justes motifs et protection contre la résiliation en temps inopportun

L’article 337 CO permet à l’employeur et à l’employé de résilier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour de justes motifs. L’article 336c CO, quant à lui, protège l’employé contre un licenciement en temps inopportun, notamment en cas d’incapacité de travail pour cause de maladie ou accident ou encore en cas de grossesse et prévoit des délais de protection (soit des délais pendant lesquels la résiliation ne peut pas intervenir).


Au vu de ces deux articles, une question que les employeurs se posent très souvent est la suivante : est-il possible de licencier avec effet immédiat un employé qui se trouve dans une des situations protégées par l’article 336c CO, soit par exemple un employé en incapacité de travail totale ou une employée enceinte ?


Fort heureusement, la réponse à cette question est tranchée de manière très claire par les auteurs et la jurisprudence et est la suivante : oui, une résiliation immédiate peut intervenir même si l’employé se trouve dans une des situations protégées à l’article 336c CO, pour autant bien évidemment qu’il existe un juste motif de licenciement immédiat et que l’employeur intervienne rapidement (un délai de réflexion de deux ou trois jours ouvrables est admissible).


Cette réponse s’explique par le fait que le droit suisse distingue deux types de congé : le congé ordinaire et le congé extraordinaire.


Il y a congé ordinaire lorsque le contrat de travail est résilié par l’employeur ou par l’employé pour le terme du délai de congé. Dans ce cas, le congé n’a pas besoin d’être motivé sauf si l’autre partie le demande.


Il y a congé extraordinaire lorsque le contrat est résilié immédiatement pour justes motifs. Dans ce cas, le congé doit être motivé. Il y a également congé extraordinaire en cas d’insolvabilité de l’employeur ou encore en cas de décès de l’employé.


Or, la protection contre la résiliation en temps inopportun prévue à l’article 336c CO ne s’applique qu’en cas de congé ordinaire. En d’autres termes, la protection de l’article 336c CO ne s’applique pas si la résiliation est donnée avec effet immédiat pour justes motifs sur la base de l’article 337 CO.


Le droit de résilier un contrat de travail avec effet immédiat en cas de justes motifs est en effet impératif et inconditionnel et cela également durant le temps d’essai.


Ainsi, un licenciement immédiat donné pendant une période de protection de l’article 336c alinéa 1 CO est exclusivement régi par les articles 337 et suivants CO et cela même si, au final, le licenciement avec effet immédiat s’avère injustifié parce qu’il n’y a pas de justes motifs ou parce que l’employeur a tardé à réagir.


Il n’est cependant pas complètement fait abstraction des délais de protection de l’article 336c CO.


En effet, en vertu de l’article 337c CO, si l’employeur résilie immédiatement le contrat de durée indéterminée sans justes motifs, l’employé a droit à ce qu’il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l’échéance du délai de congé.


Les délais de protection de l’article 336c CO sont pris en compte pour déterminer l’échéance du délai de congé et donc pour déterminer le revenu global que l’employé aurait normalement réalisé jusqu’à cette échéance.


Cela étant, si le droit de résilier un contrat de travail avec effet immédiat en cas de justes motifs est impératif, il est bon de garder à l’esprit que le licenciement immédiat est une mesure exceptionnelle, soit une ultima ratio, qui n’est admise que de manière restrictive par les tribunaux suisses.


Seul un manquement particulièrement grave autorise un employeur à résilier immédiatement un contrat de travail. Si le manquement est moins grave, une résiliation immédiate ne peut intervenir que si le manquement a été répété malgré un avertissement.


Il est également bon de garder à l’esprit que le congé extraordinaire, soit le congé avec effet immédiat, ne doit pas être utilisé pour essayer de contourner la protection contre les congés en temps inopportun.


L’employeur serait donc bien avisé de consulter rapidement un avocat avant de licencier l’un de ses employés avec effet immédiat.


De plus, dans la mesure où l’employé va très certainement contester le juste motif de licenciement immédiat, il peut finalement être économiquement plus avantageux pour l’employeur de résilier le contrat de travail de manière ordinaire tout en libérant l’employé de son obligation de travailler.


Sandra Gerber, avocate (24.04.17)

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