Droit des sociétés

CONFLITS D’INTÉRÊTS DES ADMINISTRATEURS DÉLÉGUÉS AU SEIN DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE CORPORATIONS DE DROIT PUBLIC

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L’art. 762 du code des obligations (CO) permet à une corporation de droit public telle que la Confédération, un canton, un district ou une commune ayant un intérêt public dans une société anonyme d’avoir le droit de déléguer des représentants au sein du conseil d’administration de cette société anonyme si les statuts de cette dernière lui confèrent expressément ce droit. L’art. 762 CO stipule en outre que, dans de tels cas, les membres du conseil d’administration ainsi délégués ne peuvent être révoqués que par la corporation de droit public qui les a délégués. Cette disposition n’a pas été modifiée par l’entrée en vigueur du nouveau droit de la société anonyme.


Cependant, depuis le 1er janvier 2023, le nouvel art. 717a CO impose aux membres du conseil d’administration qui se trouvent dans une situation de conflit d’intérêts d’informer le conseil d’administration sans retard et de manière complète. Cet article prévoit également que le conseil d’administration doit adopter les mesures qui s’imposent afin de préserver les intérêts de la société, avant ceux de ses administrateurs.


Qu’en est-il des administrateurs délégués par une corporation de droit public en application de
l’art. 762 CO ?


Comme le dit expressément cette disposition, la corporation de droit public doit avoir un intérêt public dans la société anonyme à laquelle elle délègue des représentants au conseil d’administration.
Dans ce cadre, ces administrateurs, ainsi délégués, doivent-ils veiller à la protection des intérêts de la corporation de droit public qui les a délégués ou de ceux de la société anonyme dans laquelle ils siègent au conseil d’administration ? Cette question est fondamentale. Elle est souvent gérée de manière empirique suivant la société anonyme considérée. On voit même, dans certains cas,
des membres du conseil d’administration ainsi délégués participer, en tant qu’actionnaires,
aux assemblées générales de cette société anonyme.


Nous pensons que les termes de l’art. 717a CO obligeant les membres du conseil d’administration de veiller à l’absence de conflit d’intérêts doivent prévaloir même dans le cas d’une corporation de droit public. Ainsi, ces administrateurs doivent faire passer les intérêts de la société avant ceux de la corporation de droit public qui les a délégués.


Dans ce cadre, le conseil d’administration serait bien avisé de mettre en place un registre des intérêts mentionnant les activités professionnelles, les fonctions au sein d’organes de direction, de surveillance ou de conseils de personnes morales, les fonctions assumées au sein de commissions ou d’autres organes de corporations de droit public ainsi que d’éventuelles fonctions de direction ou de conseils pour le compte de groupes d’intérêts.


Le conseil d’administration serait en outre avisé d’établir un règlement prévoyant le comportement à adopter par chaque membre du conseil d’administration en cas de possible conflit d’intérêts avec la société. Ce règlement pourrait comporter une obligation d’informer immédiatement le président afin d’analyser la situation et de déterminer ensemble la meilleure façon de gérer le conflit. Ce règlement pourrait aussi prévoir une récusation en début de séance et même une abstention au vote. Le règlement pourrait également prévoir les cas de conflit d’intérêts permanents. Aux fins de gérer au plus près ses obligations, le conseil devrait organiser régulièrement un tour de table où chacun de ses membres présenterait brièvement ses activités professionnelles et extra professionnelles ainsi que ses liens d’intérêts. La question de la confidentialité de ces débats doit également être prévue. On constate en effet trop souvent que les délibérations de corporations de droit public se retrouvent dans les médias.


A ce sujet, nous recommandons chaudement le récent ouvrage publié par Monsieur Dominique Freymond et intitulé « Gouvernance d’entreprise, l’envers du décor en 100 anecdotes » publié récemment aux dossiers Editions Château & Attinger à Orbe. C’est sa lecture qui nous a notamment permis ces quelques réflexions.

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