Droit des sociétés

Le Tribunal fédéral rend une décision de principe en matière de droit de sortie d’un associé d’une Sàrl pour justes motifs

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Le Tribunal fédéral a récemment jugé (TF, Arrêt 4A_209/2021* du 19 juillet 2021) qu’un associé disposant de 45% des parts sociales d’une société à responsabilité limitée (ci-après : Sàrl) ne pouvait pas faire usage de la possibilité de sortir de la société pour justes motifs, si cette sortie aurait pour conséquence que la Sàrl détiendrait plus de 35% de la valeur nominale de son propre capital social.


Dans cette affaire, le Tribunal fédéral a en effet dû faire cohabiter deux règles de droit, dont l’application pourrait s’avérer contradictoire.


En effet, le droit de la Sàrl permet à un associé de requérir judiciairement sa sortie de la société pour justes motifs (art. 822 al. 1 CO). Dans ce cas, l’associé sortant a droit à une indemnisation correspondant à la valeur réelle de ses parts sociales (art. 825 al. 1 CO). L’exigibilité de cette indemnité est cependant limitée aux trois possibilités suivantes :


  1. La société dispose des fonds propres disponibles et reprend les parts sociales de l’associé sortant (art. 825a al. 1 ch. 1 CO in fine) ;
  2. La société revend les parts sociales de l’associé sortant à un tiers (art. 825a al. 1 ch. 2 CO) ;
  3. La société peut reprendre les parts sociales et les annuler en réduisant son capital social dans le respect des dispositions en la matière (Art. 825a al. 1 ch. 3 CO).


La possibilité pour la société de reprendre ses propres parts sociales est toutefois limitée par la loi. En effet, l’art. 783 CO subordonne l’acquisition par la Sàrl de ses propres parts sociales au fait qu’elle dispose librement d’une part de ses fonds propres équivalent au montant de la dépense nécessaire et fixe une limite maximale à 35% la part de capital social que la Sàrl est autorisée à détenir.


S’agissant de la vente des parts sociales à un tiers, il sied de préciser que le Code des obligations ne contient aucune base légale permettant de forcer l’associé restant à reprendre les parts de l’associé sortant.


Enfin, une réduction du capital social n’est envisageable que si le capital social de la société concernée excède le minimum légal, soit CHF 20’000.-,


Dans le cas qu’a été amené à trancher le Tribunal fédéral, l’associé ayant requis sa sortie pour justes motifs détenait 45% des parts sociales d’une société disposant d’un capital social de CHF 20’000.-.


L’état de fait retenu ne faisait pas état d’un tiers disposé à racheter les actions, si bien que le cas de figure no 2 précité ne pouvait pas être appliqué. De même, le capital social de CHF 20’000.- excluait toute possibilité de réduire le capital social, si bien que seule la reprise par la société demeurait envisageable.


Après avoir consulté les avis exprimés dans la doctrine et analysé sa jurisprudence rendue en application de l’ancien droit de la Sàrl, le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que le but poursuivi par l’art. 783 CO était de conférer aux créanciers de la Sàrl une protection additionnelle contre les risques d’une érosion des fonds propres de la société. En effet, si l’actif d’une société est constitué de ses propres parts sociales, la valeur de son actif sera corrélée à sa situation financière, si bien qu’en cas de faillite la société n’aura en réalité aucun actif. Par conséquent, le Tribunal fédéral a considéré que la sortie pour justes motifs d’un associé détenant plus de 35% du capital social n’était pas possible pour les cas où aucun tiers ne serait disposé à racheter les actions et que la société ne peut pas réduire son capital social.


Le Tribunal fédéral précise toutefois qu’un associé placé dans cette situation n’est pas tout à fait désarmé, puisqu’il aurait pu requérir la dissolution de la société. Cette solution n’est toutefois pas satisfaisante, car le dividende de liquidation d’une société est généralement inférieur à la valeur des parts sociales d’une société opérationnelle.


Cet arrêt met à nouveau en lumière les difficultés pratiques liées à l’organisation de la fin d’une association et l’importance d’anticiper ces problématiques lors de la constitution de la société ou de l’entrée d’un nouvel associé. Une solution aurait pu consister à créer une base contractuelle permettant à l’associé sortant pour de justes motifs à contraindre l’associé restant à racheter ses parts.


Cela permet d’offrir une alternative à la dissolution pure et simple de la société et ainsi de permettre une continuation de l’activité de la société.

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