Droit des sociétés

Tribunal fédéral – nouvel arrêt concernant la responsabilité des organes d’une société anonyme

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Le Tribunal fédéral a récemment rendu un arrêt très instructif sur les possibilités pour un actionnaire ou un créancier d’ouvrir une action en responsabilité contre les organes d’une société anonyme qui auraient agi en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs et a précisé quelles normes du droit des sociétés peuvent être invoquées pour justifier un dommage du créancier ou de l’actionnaire (TF, Arrêt 4A_36/2021* du 1er novembre 2021).


Le Tribunal fédéral commence par rappeler la lettre de l’art. 754 CO selon lequel les membres du conseil d’administration et toutes les personnes qui s’occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à l’égard de la société, de même qu’envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu’ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs.


La lecture de cette disposition crée l’impression qu’aussi bien la société, que l’actionnaire ou le créancier social peuvent indistinctement ouvrir action en responsabilité contre les organes d’une société, pour autant que leur comportement ait été inadéquat. Toutefois, le Tribunal fédéral avait limité la possibilité d’un concours d’actions dans les cas où la société était en faillite et qu’aussi bien la société que les créanciers sociaux et/ou actionnaires avaient subi un préjudice, en ce sens que la société avait priorité pou engager ladite action. Il n’était jusqu’à ce jour pas clair si cette priorité pouvait s’appliquer à d’autres cas de figures. Le Tribunal fédéral a ainsi rappelé que les situations se distinguaient en fonction du type de dommage subi. Il y a essentiellement trois possibilités :


  1. Dans le premier cas, seul l’actionnaire ou le créancier social subit un dommage du fait des actions des organes de la société, à l’exclusion de tout dommage causé à la société. On parle dans ces cas de dommage direct. Le Tribunal fédéral cite comme exemple le cas où un actionnaire ou un créancier social aurait accordé un prêt à une société surendettée qu’il n’aurait pas octroyé s’il avait été au courant du surendettement. Dans ce cas, l’actionnaire ou le créancier qui aurait octroyé ce prêt subit un préjudice égal au montant non recouvré tandis que la société ne subit aucun dommage.
  2. Le deuxième cas de figure intervient que lorsque les manquements des organes sont susceptibles de causer en premier lieu un dommage à la seule société qui ne se matérialise pour le créancier ou l’actionnaire que par ricochet au moment de la faillite de la société. Dans ces cas, seule la société est habilitée à ouvrir action contre ses organes sur la base de l’art. 754 CO.
  3. Le troisième cas concerne des situations, plus rares, dans lesquelles on discerne à la fois un dommage direct pour le créancier ou l’actionnaire et un dommage direct pour la société. En d’autres termes, le comportement de l’organe porte directement atteinte au patrimoine de la société et à celui du créancier social. Dans ces cas-là, le créancier ou l’actionnaire ne peut agir sur la base de l’art. 754 CO que si le comportement du membre du conseil d’administration en question est constitutif d’un acte illicite, d’une culpa in contrahendo ou viole une disposition du droit des sociétés visant exclusivement à protéger les actionnaires ou les créanciers.


Le troisième cas de figure exposé ci-dessus pose la question de savoir si la société et l’actionnaire ou le créancier social peuvent agir en concours avec la société. La jurisprudence du Tribunal fédéral n’était pas claire à ce sujet et le présent arrêt a permis de préciser ces éléments. Ainsi, lorsque la société est toujours en activité, le créancier social, l’actionnaire et/ou la société peuvent agir à titre individuel contre un organe défaillant en réparation du dommage direct qu’il a subi s’il peut fonder son action sur un acte illicite, une culpa in contrahendo ou une norme du droit des sociétés conçue exclusivement pour protéger les créanciers. En revanche, lorsque la société est en faillite, la société est prioritaire dans la conduite de l’action contre les organes défaillants.


Enfin, le Tribunal fédéral a donné des exemples de normes qu’un créancier ou un actionnaire peut invoquer pour fonder un dommage. Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré que les règles comptables ainsi que les dispositions sur le comportement à adopter en matière de surendettement constituaient de telles normes. Ce n’est en revanche pas le cas de l’art. 717 CO qui fonde l’obligation de diligence des organes.

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