Droit des sociétés

Un actionnaire a-t-il le droit de consulter les procès-verbaux du conseil d’administration d’une société dont il est actionnaire ?

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Il s’agit d’une question cruciale pour chaque actionnaire, particulièrement pour les petites sociétés anonymes. En effet, même dans le nouveau droit, un actionnaire n’a pas tous les droits et n’est pas à la place de l’administrateur.


1. La règle de base : le droit de l’actionnaire de consulter les livres et les dossiers en vertu de l’art. 697a CO


Selon l’art. 697 CO, tout actionnaire peut demander des renseignements au conseil d’administration sur les affaires de la société. Dans les sociétés dont les actions ne sont pas cotées en bourse, des actionnaires représentant ensemble au moins 10% du capital-actions ou des voix peuvent demander par écrit des renseignements au conseil d’administration sur les affaires de la société, lesquels doivent être fournis dans un délai de quatre mois. Toutefois, le conseil d’administration ne doit fournir les renseignements que dans la mesure où ces derniers (i) sont nécessaires à l’exercice des droits de l’actionnaire et (ii) ne compromettent pas le secret des affaires ni d’autres intérêts sociaux dignes de protection. Tout refus de fournir les renseignements demandés doit être motivé par écrit.


En vertu de l’art. 697a al. 1 CO, les livres et les dossiers peuvent directement être consultés par des actionnaires représentant ensemble au moins 5% du capital-actions ou des voix. Une fois de plus, le droit de consultation doit être accordé dans la mesure où (i) il est nécessaire à l’exercice des droits de l’actionnaire et (ii) ne compromet pas le secret des affaires ni d’autres intérêts sociaux dignes de protection.


2. Cas particulier : l’actionnaire a-t-il le droit de consulter les procès-verbaux des séances du conseil d’administration ?


Les procès-verbaux des séances du conseil d’administration ne constituent pas les livres ou les dossiers au sens de l’article 697a al. 1 CO. Par conséquent, ils ne sont en principe pas accessibles aux actionnaires. Selon les auteurs, un actionnaire pourrait toutefois demander de consulter des procès-verbaux sur la base de l’art. 697 al. 3 CO si les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies : (i) il existe une autorisation expresse de l’assemblée générale ou d’une décision du conseil d’administration octroyant à l’actionnaire le droit de consulter le procès-verbal de la séance du conseil d’administration, (ii) le secret des affaires est sauvegardé et (iii) l’actionnaire est en mesure de démontrer un intérêt individuel de protection à consulter le procès-verbal. Force est donc de constater que le droit de l’actionnaire de consulter le procès-verbal d’une séance du conseil d’administration est particulièrement restreint.


3. Cas encore plus particulier : L’actionnaire a-t-il le droit de consulter les procès-verbaux des séances du conseil d’administration dans le cas où il a conclu un mandat avec un « représentant » qui siège au conseil d’administration ?


En pratique, certaines conventions d’actionnaires prévoient le droit pour certains actionnaires de nommer un « représentant » au sein du conseil d’administration de la société. Dans ce cas particulier, les rapports entre l’actionnaire et l’administrateur qui le représente au conseil d’administration sont régis par les dispositions légales sur le mandat en vertu des art. 393 ss CO. L’art. 400 al. 1 CO prévoit un devoir d’information du mandataire (administrateur) en faveur du mandant (actionnaire).


Toutefois, le « représentant » — en sa qualité d’administrateur de la société — est également lié par une obligation de confidentialité (Schweigepflicht) qui découle de l’obligation de diligence et fidélité selon l’art. 717 CO. L’action du « représentant » peut donc se heurter à son devoir de diligence et fidélité à l’égard de la société.


Tel est en particulier le cas si l’actionnaire ordonne au représentant qui siège au conseil d’administration de lui livrer une copie du procès-verbal d’une séance du conseil d’administration sur la base du droit à l’information au sens de l’art. 400 CO, quand bien même le « représentant » est également lié à une obligation de confidentialité par rapport au contenu de la séance du conseil d’administration.


Dans ce cas d’espèce, les auteurs sont d’avis que l’intérêt de la société doit primer sur celui de l’actionnaire représenté. En d’autres termes, le « représentant » ne peut suivre les instructions qui lui sont données par l’actionnaire représenté que si elles ne sont pas contraires à la loi, aux statuts et aux intérêts de la société dont le « représentant » est administrateur, sous peine de manquer à ses devoirs et donc d’engager sa responsabilité au sens de l’art. 754 CO.


La question de savoir quelles informations le « représentant » et administrateur peut révéler à l’actionnaire qu’il représente est controversée. Dans tous les cas, en présence d’un conflit d’intérêt, ce sont les intérêts de la société dont le « représentant » est administrateur qui l’emportent. Les administrateurs ont un devoir de placer leurs intérêts propres ainsi que les intérêts des actionnaires qu’ils représentent derrière les intérêts de la société dont ils sont administrateurs.


Si l’administrateur mettait à disposition de l’actionnaire un procès-verbal du conseil d’administration sur la base de l’art. 400 CO, il violerait certainement son devoir de diligence et fidélité. Pour ces raisons, nous pouvons donc conclure que l’administrateur représentant l’actionnaire n’a pas d’obligation de livrer à son mandant actionnaire une copie du procès-verbal d’un conseil d’administration. Le faire pourrait en effet l’exposer à sa responsabilité.

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