A l’approche de la fin de l’année scolaire et de l’année universitaire, nombreux sont ceux qui cherchent des stages d’été ou des stages de plusieurs mois pour acquérir des connaissances et de l’expérience. Mais quel est le statut de ces stages et du contrat de stage du point de vue du droit du travail ? Doit-il être rémunéré ou non ? Un arrêt récent du tribunal fédéral rappelle quelques principes (TF 4A_150/2023 – 30.11.2023).
Le stage et le contrat de stage ne sont pas réglés expressément par le code des obligations. Le contrat de stage semble donc s’apparenter à un contrat de travail. Or, un des éléments essentiels du contrat de travail est que la prestation du travailleur est rémunérée.
Dans son arrêt précité du 30 novembre 2023, le tribunal fédéral rappelle qu’il est possible d’avoir un contrat de stage non rémunéré. Le tribunal fédéral explique que « la délimitation entre la qualification de contrat de stage non rémunéré et celle de contrat de stage soumis aux règles du contrat de travail et réalisé en contrepartie d’un salaire (art. 320 al. 2 CO) dépend de l’ensemble des circonstances du cas concret. La liberté des parties de convenir de la gratuité de la prestation du stagiaire est restreinte par l’art. 320 al. 2 CO ».
« Un stage échappe au droit du travail lorsqu’il est effectué dans l’intérêt prépondérant du stagiaire, en vue de l’acquisition d’une expérience pratique ; tant qu’il existe une justification objective à l’existence du stage et à son absence de rémunération, celui-ci doit être admis, et cela même si la durée est de l’ordre d’une année, voire plus selon les circonstances (JEAN-PHILIPPE DUNAND, Commentaire du contrat de travail, 2e éd. 2022, n. 33 ad art. 319 CO ; RÉMY WYLER, Commentaire du contrat de travail, 2e éd. 2022, n. 33 ad art. 320 CO). En revanche, lorsque le maître de stage a un intérêt objectif à la prestation fournie par le stagiaire, l’art. 320 al. 2 CO s’applique : le stage relève alors du contrat de travail et donne droit à un salaire (RÉMY WYLER, op. cit., n. 33 ad art. 320 CO) ».
Dans le cas que le tribunal fédéral avait à juger, la « stagiaire » avait « suivi des études supérieures de sciences économiques avec spécialisation en marketing, à l’université de Bucarest en Roumanie. Elle y a obtenu un titre équivalant à un bachelor universitaire suisse. En Roumanie également, elle a réussi l’examen d’admission au stage pour l’attribution de la qualité d’expert-comptable/comptable agréé. En Suisse, elle a suivi des cours de comptabilité « TQG I et II ».
En termes d’expériences professionnelles, son curriculum vitae fait état d’expériences en tant qu’aide-comptable auprès de plusieurs entreprises en Roumanie, dont une activité de cheffe-comptable entre 2002 et 2012 […] ainsi que d’une activité de comptable en Suisse auprès d’une entreprise individuelle dont est titulaire son mari ».
La « stagiaire » a été engagée dès le 3 janvier 2017. La qualification de son contrat est litigieuse. L’employeur considère l’avoir engagé en qualité de stagiaire tandis que la « stagiaire » soutient avoir voulu conclure un contrat de travail. Les rapports contractuels ont pris fin par la démission avec effet immédiat de la « stagiaire » le 21 février 2018.
Pour le tribunal fédéral, c’est à juste titre que l’autorité cantonale a retenu que le stage effectué par la « stagiaire » permettait d’apporter une réelle plus-value à son parcours professionnel et qu’il lui avait permis de développer ses connaissances et d’augmenter ses chances d’être engagée ultérieurement. La cour cantonale a également retenu que ce contrat avait permis à la « stagiaire » de se familiariser avec les pratiques comptables suisses, puisqu’elle n’avait que peu d’expérience pratique en Suisse hormis un emploi auprès de l’entreprise de son mari. La « stagiaire » avait un intérêt prépondérant à l’exécution du contrat et qu’elle avait accepté un stage non rémunéré en vue de l’acquisition d’une expérience pratique en Suisse.
Pour le tribunal fédéral, la cour cantonale n’a donc pas violé l’art. 320 al. 2 CO en considérant que le contrat conclu était un stage réalisé dans l’intérêt de la « stagiaire ». Il pouvait donc ne pas être rémunéré.
Il convient ainsi de retenir ce qui suit en matière de stage et de rémunération : si le contrat de stage est conclu dans l’intérêt prépondérant du stagiaire afin qu’il acquière une expertise professionnelle, il peut en principe être non rémunéré. Si tel n’est pas le cas, en principe, il doit être rémunéré.
La soussignée utilise à dessein le terme « en principe » dans la mesure où chaque cas doit être examiné séparément. De plus, il existe des règles particulières dans certains domaines. C’est notamment le cas dans l’hôtellerie et la restauration. En effet, la CCNT pour les hôtels, restaurants et cafés prévoit un salaire minimum pour les stages effectués dans le cadre des cours des écoles hotellières. Dans le canton de Vaud, c’est également le cas dans le domaine de l’accueil de la petite enfance. Un contrat-type est prévu par Arrêté du conseil d’état du canton de Vaud du 24 mai 2023 avec un salaire minimum pour les stagiaires.
Un employeur avisé doit donc être prudent surtout si le stage dure plusieurs mois.
Vous avez des questions par rapport à la problématique abordée dans cet article ?
Nos avocats aiment et comprennent le droit des affaires, sur le plan suisse et sur le plan international. Ils sont très réactifs et portent les affaires de leurs clients aux fins d’y trouver la meilleure solution juridique et pratique. Ils sont au bénéfice d’une expérience internationale de plusieurs années en droit des affaires. Ils maîtrisent plusieurs langues étrangères et disposent de correspondants dans le monde entier.
Avenue de Rumine 13
Case Postale
CH – 1001 Lausanne
+41 21 711 71 00
info@wg-avocats.ch
©2024 Wilhelm Avocats SA – Politique en matière de confidentialité – Réalisation Mediago