Les plus récentes statistiques le démontrent malheureusement : les situations de perte de capital ou de surendettement ont tendance à augmenter actuellement. Selon une étude du CRIF, les ouvertures de faillites dans toute la Suisse ont augmenté de 10,8% entre janvier et septembre 2024. Rien qu’au mois de septembre, la hausse s’est établie à 28,5 % par rapport à septembre 2023. Les cantons de Neuchâtel, de Genève, de Zoug et de Vaud ont enregistré les plus fortes augmentations en pourcentage.
Depuis la révision du droit de la société anonyme, la procédure de sursis concordataire est la voie choisie par le législateur pour permettre d’éviter une situation d’insolvabilité (725 CO), de perte de capital (725a al. 3 CO) ou de surendettement (725b al 3 CO). L’institution du sursis concordataire a été modernisée il y a près de dix ans pour la rendre plus efficace et plus adaptée à l’environnement économique actuel, dans le but notamment de donner une deuxième chance aux entreprises en situation de surendettement.
1. Le cadre légal actuel du sursis concordataire
Très schématiquement, on peut considérer que la procédure de sursis concordataire se déroule en quatre temps :
De plus en plus fréquemment toutefois, le concordat peut prévoir le désintéressement des créanciers au moyen de l’octroi en leur faveur de droits de participation ou de droits sociaux qui peuvent s’exercer à l’égard du débiteur lui-même ou d’une société reprenante. C’est ce que prévoit la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) à ses articles 314 al. 1bis (concordat ordinaire) et 318 al. 1bis (concordat par abandon d’actifs).
Cette approche offre une possibilité de transfert de l’entreprise débitrice dans une nouvelle entité, possibilité qui est à la fois pratique et judicieuse et qui permet de facto de la sauver. On relèvera toutefois que les créanciers qui n’ont pas approuvé le concordat deviennent malgré eux titulaires de parts de la société reprenante. Cela ne pose pas de problème majeur si la société est cotée puisque les actions peuvent en principe être revendues à la Bourse sans trop de difficultés. En revanche, il peut être plus compliqué de se défaire des actions si elles ne sont pas cotées. Dans l’optique de la sauvegarde des intérêts de ces créanciers, le juge ne doit donc homologuer un concordat qui prévoit ce type de conditions que s’il a pu se convaincre que cette solution est aussi proportionnée pour les créanciers qui ne l’ont pas approuvée (art. 306, al. 1, ch. 1). Rappelons en outre qu’en cas de concordat ordinaire (art. 314, al. 1 LP), les titulaires de parts doivent s’acquitter d’une contribution équitable destinée à l’assainissement du débiteur (art. 306, al. 1, ch. 3 LP).
La possibilité de transfert à une société reprenante n’est toutefois prévue par la loi qu’à la suite de l’homologation du concordat et donc à sa publication. Cette possibilité nécessite en outre de devoir obtenir l’accord de la majorité des créanciers conformément aux dispositions de l’article 305 al. 1 LP, soit :
a. soit la majorité des créanciers représentant au moins les deux tiers des créances à recouvrer ;
b. soit le quart des créanciers représentant au moins les trois quarts des créances à recouvrer.
Pour éviter ces inconvénients, les sociétés affrontant une procédure d’assainissement et devant recourir à un sursis concordataire provisoire, se tournent vers la solution du Pre-Pack pour pouvoir s’assurer un nouveau départ, sans passer par un concordat homologué.
2. Le Pre-Pack : de quoi s’agit-il ?
Le concept de Pre-Pack, comme son nom l’indique, est très similaire à la notion de prepackaged deal du Chapter 11 découlant du United States Bankruptcy Code. En l’occurrence, le concept de Pre-Pack en droit suisse prévoit – au stade du sursis concordataire provisoire uniquement – le transfert de l’entreprise en situation d’assainissement (ou d’une partie de celle-ci) vers une entité tierce acquéreuse ou vers une entité constituée par le débiteur à cet effet (ci-après l’Acquéreur). Le Pre-Pack est ainsi une solution de restructuration préparée de la manière la plus complète et la plus détaillée possible avec les principaux créanciers avant que le débiteur ne demande un sursis concordataire provisoire pour être ensuite avalisée dans le cadre du sursis concordataire provisoire.
Le concept de Pre-Pack comprend généralement le transfert des actifs d’une entreprise (ou d’une partie d’entreprise) du débiteur concordataire vers l’Acquéreur. La préparation nécessite donc des accords entre le débiteur concordataire, les principaux créanciers impliqués (y compris les donneurs de gage), l’Acquéreur et, le cas échéant, d’autres parties impliquées telles que les partenaires contractuels importants du débiteur concordataire (p. ex. bailleurs, sociétés de leasing, etc.), qui sont nécessaires à la poursuite de l’exploitation (ou de la partie d’exploitation) à assainir. Les personnes clés de la direction et du personnel qui sont importantes pour le concept d’assainissement devraient être également impliquées régulièrement (et de manière confidentielle) dans la préparation, mais non l’ensemble du personnel. Le paquet déjà ficelé avant le sursis concordataire avec tous les participants nécessaires est déclaré obligatoire et exécuté après l’octroi du sursis concordataire avec le concours du juge du concordat et du commissaire (« solution concordataire Pre-Pack »).
3. Nos premières expériences
3.1 La phase précédant l’introduction du Pre-Pack
Il est selon nous essentiel que l’entreprise en situation d’assainissement discute et négocie les termes du Pre-Pack avec ses principaux créanciers, mais également avec l’administrateur potentiel du sursis, soit le commissaire (Sachwalter), avant d’introduire la demande de sursis concordataire, afin d’obtenir leurs avis et de discuter des problèmes fondamentaux connus à l’avance. Dans certains cas, il peut également être judicieux de prendre contact au préalable avec le tribunal compétent en matière de procédure concordataire pour s’enquérir de sa pratique générale en matière de Pre-Packs.
3.2 Examen du Pre-Pack par le tribunal après l’octroi du sursis concordataire provisoire
Une fois nommé, un commissaire consciencieux doit sérieusement et rapidement clarifier et pouvoir présenter les avantages d’un Pre-Pack par rapport à une éventuelle faillite ou d’un concordat classique par abandon d’actifs ou par un concordat ordinaire dans un rapport motivé à adresser au tribunal compétent.
Dans ce cadre, le commissaire doit également vérifier en particulier (i) l’adéquation du prix d’achat à l’intérêt des créanciers et des autres personnes concernées et leur accord avec la procédure, (ii) si l’opération de Pre-Pack est dans l’intérêt de tous les créanciers (notamment par rapport à une éventuelle faillite) et (iii) si l’Acquéreur dispose des liquidités nécessaires pour financer l’acquisition des actifs de l’entreprise en situation de sursis.
3.3 L’approbation des créanciers
La question de la consultation des créanciers n’est pas expressément réglementée par la loi au stade de la phase du sursis concordataire provisoire. C’est pourquoi il n’existe pas à notre sens d’obligation légale pour le juge de consulter les créanciers ou d’accorder aux tiers le droit d’être entendus avant l’approbation du Pre-Pack, puisque ceux-ci ont pu se prononcer lors de l’élaboration du Pre-Pack avant le dépôt de la requête de sursis concordataire provisoire. La mesure dans laquelle les créanciers ou les tiers sont impliqués dans la procédure doit être laissée à l’appréciation du tribunal et du commissaire.
3.4 Les valorisations à prendre en compte dans le cadre de la préparation du Pre-Pack sont des valorisation de continuation
L’objectif est de négocier avec les créanciers sur des valorisation avant sursis à des valorisations de continuation, compte tenu du fait que l’octroi d’un sursis, même provisoire a pour immédiat effet de faire drastiquement chuter la valeur des actifs de l’entreprise au valeur de liquidation.
3.5 La phase suivant l’approbation du Pre-Pack par le juge
Le juge du concordat valide le Pre-Pack au stade du sursis concordataire provisoire. Il considère alors soit que le Pre-Pack constitue un assainissement permettant d’annuler le sursis selon l’article 296a LP, soit qu’un sursis concordataire définitif par abandon d’actif doit être prononcé en ce qui concerne la société demeurant après le transfert de ses actifs selon le plan du Pre-Pack. La validation du Pre-Pack par le juge du concordat permet le transfert de l’entreprise en vertu du droit civil hors exécution forcée. Une révocation (action paulienne) de l’opération de Pre-Pack correspondante est clairement exclue en vertu de l’art. 285 al. 3 LP. Une fois que le tribunal successoral a donné son approbation, il n’est donc plus possible pour les créanciers de contester l’opération de Pre-Pack et, par exemple, de faire valoir que le prix d’achat était trop bas ou que le Pre-Pack n’était pas dans l’intérêt des créanciers.
3.6 Tous les acteurs de l’assainissement profitent de la solution de Pre-Pack
L’Acquéreur bénéficie de l’assainissement par Pre-Pack, car le transfert est rendu définitif par l’approbation du juge du concordat. C’est également un avantage pour la société ainsi assainie car sa reprise de l’entreprise ne peut être contestée ou annulée par ses créanciers. Les employés de la société y trouvent également leurs comptes car ils sont ainsi transférés chez l’Acquéreur tout en bénéficiant du régime de l’article 333 CO.
4 Conclusion
L’assainissement par voie de Pre-Pack est encore trop peu connu en Suisse romande. Les tribunaux de Suisse-alémanique ont cependant rendus d’intéressantes jurisprudences à ce sujet que nous décrirons dans une prochaine contribution. Cette procédure comporte de très nombreux avantages en permettant un assainissement rapide et une survie de l’entreprise. Elle est particulièrement indiquée si un repreneur est prêt à continuer la société et que cette reprise offre aux créanciers une situation plus favorable que celle d’un sursis concordataire ordinaire ou par une faillite.
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