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MAC – hardship, clausula rebus sic stantibus – Kesako?

Certaines clauses contractuelles qui avaient été souvent négligées par les parties trouvent une actualité brulante en période de COVID. Dans notre « paper » du 10 juin 2020, nous avions attiré l’attention de nos lecteurs sur la clause de force majeure. D’autres clauses peuvent également se révéler essentielles en ces temps où l’avenir n’est plus aussi certain et où les parties doivent chercher à se prémunir contre une improbable adversité (sur ces questions : on lira avec profit l’ouvrage du Prof. Sylvain Marchand, Clauses contractuelles, du bon usage de la liberté contractuelle, Bâle, Helbing Lichtenhahn, 2008, pp. 208-211).


La clause de « hardship »: cette clause permet une adaptation du contrat en cas de changement imprévu de circonstances. Contrairement à la clause de force majeure, cette clause ne rend pas la prestation d’une partie impossible, mais permet aux parties de corriger l’équilibre contractuel initialement convenu. C’est particulièrement utile dans le cas de contrats de durée.


La clause de « hardship » traduit le principe reconnu en droit suisse de la « clausula rebus sic stantibus ». Ce principe, bien que non traduit dans le Code suisse des obligations, mais reconnu par le Tribunal fédéral, ne trouve que très rarement application dans sa jurisprudence. Il se heurte en effet à l’un des principes cardinaux du droit suisse des contrats, résumé par la maxime « pacta sunt servanda », soit que les parties doivent honorer les contrats qu’elles ont conclus et ne peuvent pas en modifier les termes au gré des circonstances. La « clausula rebus sic stantibus » est également confirmée en droit des contrats du commerce international par les Principes Unidroit. Bien que ceux-ci s’attachent également à rappeler de prime abord le principe cardinal du respect des clauses contractuelles convenues entre les parties, l’article 6.2.2. des Principes Unidroit confirme l’existence d’une pratique contractuelle permettant aux parties de prévoir l’adaptation de leurs relations contractuelles en cas d’évolution imprévisible des circonstances ayant initialement présidé à la conclusion du contrat en cause. Il faut toutefois que « surviennent des événements qui altèrent fondamentalement l’équilibre des prestations », soit que (i) le coût de l’exécution des obligations ait augmenté, soit que la valeur de la contreprestation ait diminué, (ii) que ces événements ne pouvaient ni être connus de la partie lésée avant la conclusion du contrat, ni être anticipés au moment de sa conclusion, (iii) que ces événement échappent au contrôle de la partie lésée et (iv) qu’elle n’en ait pu en assumer le risque. Dans une situation de « hardship », que ce soit en droit suisse ou en droit du commerce international, la partie lésée n’est toutefois pas autorisée à mettre elle-même fin au contrat. Elle peut tenter de proposer et de faire admettre à l’autre partie l’ouverture de pourparlers transactionnels destinés à adapter le contrat en cause. En cas d’échec, elle peut alors saisir le tribunal compétent en vue de faire prononcer, soit la fin du contrat, soit son adaptation en vue de rétablir l’équilibre des prestations (art. 6.2.3 des Principes Unidroit).


Mais attention, en droit suisse, la faculté pour la partie lésée de contraindre l’autre partie à rétablir l’équilibre contractuel qu’elle estime rompu n’existe que si une clause dite de « hardship » figure expressément dans le contrat. Les termes de cette clause devront donc anticiper la procédure propre à ce type de litige, soit (i) définir la notion de « hardship », (ii) prévoir la procédure de renégociation du contrat entre les parties, (iii) et déterminer la situation des parties si elles ne parviennent pas à se mettre d’accord au sujet de l’adaptation du contrat.


La clause MAC (« Material Adverse Change ») est une clause proche de la clause de « hardship » qui est principalement prévue dans les contrats d’acquisition d’entreprise, d’investissement ou de financement. Elle se retrouve le plus souvent dans les contrats de droit anglo-saxon. La clause MAC a pour but de prévoir que le contrat ne devra pas être exécuté ou devra être renégocié si des événements imprévus de l’ordre de ceux énoncés à propos de la clause de « hardship » conduisent à une perte de valeur importante de l’objet de l’investissement considéré et convenu entre les parties. Le plus souvent, cette clause a pour effet de protéger l’un des contractants des conséquences défavorables d’une modification importante des circonstances avant la conclusion définitive du contrat envisagé (pendant la période de réalisation des conditions suspensives, soit entre « signing » et le « closing ») ou – plus rarement – en cours d’exécution du contrat. Elle permet à la partie concernée de revenir sur son engagement initial et de se désengager de l’opération, ou de décider de la poursuivre moyennant une renégociation partielle. Là encore, cette faculté laissée à la partie lésée ne peut être valablement invoquée que si elle figure expressément dans le contrat.  Nous ne connaissons pas de jurisprudence du Tribunal fédéral suisse l’ayant consacrée.


A la lecture de ces conditions, l’on voit aisément que la situation d’une pandémie peut générer une situation de déséquilibre contractuel entre les parties. L’occurrence d’un tel évènement semblait encore totalement improbable il y a une année. Il convient toutefois à l’heure actuelle d’anticiper cette situation et d’insérer à l’avance dans le contrat de telles clauses aux fins de permettre à la parte lésée de tenter de renégocier le contrat pour en rééquilibrer les termes. Toutefois, même avec de telles clauses, la procédure est loin d’être simple et aisée car le principe fondamental « pacta sunt servanda » doit, selon nous, demeurer la clé de voûte de notre ordre juridique suisse.

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