Droit des sociétés

Nouveau code de procédure civile (nCPC) – Les modifications que vous devez connaître en tant que justiciable

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Introduction


La version révisée du CPC adoptée le 17 mars 2023, entrée en vigueur le 1er janvier 2025, avait pour intitulé « Amélioration de la praticabilité et de l’application du droit ».


C’est donc dans une optique de facilitation d’accès à la justice que le nouveau CPC s’est vu administrer un véritable toilettage depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2011. De nombreuses modifications ont été apportées, concrétisant des pratiques tantôt développées par la voie prétorienne, tantôt par la doctrine.


Nous avions évoqué lors d’une précédente contribution, l’une des modifications apportées au nouveau CPC.


Nous présentons ci-après un exposé succinct des principales modifications que vous devez connaître en tant que justiciable, tout en précisant que cette contribution n’a bien entendu pas pour vocation de faire une liste exhaustive de ces modifications, mais de faire connaître les changements principaux susceptibles de concerner le plus grand nombre de justiciables dans notre domaine de pratique.


    i)       Les allégations de faits et de preuves nouveaux


Les modifications apportées au nouveau CPC portent essentiellement sur la temporalité des apports de faits et de preuves en procédure. La substance de l’allégation n’est en revanche pas touchée et le régime demeure applicable.


En procédure ordinaire, l’ancien régime prévoyait l’admission de faits et moyens de preuves nouveaux à l’ouverture des débats principaux, en l’absence de second échange d’écriture ou de débats d’instruction. Le Tribunal fédéral avait jugé que l’ouverture des débats principaux intervenait avant les premières plaidoiries et que les faits et preuves nouveaux devaient donc être présentés au plus tard à ce stade. Cette approche présentait des difficultés en pratique.


Désormais, la nouvelle mouture de l’article 229 nCPC se lit comme suit : « s’il n’y a pas eu de second échange d’écritures, les faits et moyens de preuves nouveaux sont admis sans restriction lors des débats principaux durant les premières plaidoiries au sens de l’art. 228, al. 1 ». En d’autres termes, la deuxième chance d’alléguer et de proposer des preuves intervient durant les premières plaidoiries, les parties étant donc libres de compléter leurs allégués et offres de preuves y compris en réplique et duplique lors des premières plaidoiries.


    ii)       Les novas


Les parties à une procédure civile sont liées par le régime de la maxime éventuelle, qui les contraint à présenter d’emblée leurs allégations de faits et leurs preuves à un stade précoce du procès. Une exception est cependant prévue et permet, à des conditions strictes, l’invocation de novas proprement dits (intervenus après la clôture de l’échanges d’écritures ou la dernière audience d’instruction) et improprement dits (survenus avant mais qui ne pouvaient être invoqués antérieurement bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise). Sous l’ancien CPC, ces faits et moyens de preuves nouveaux ne pouvaient encore être invoqués que s’ils l’étaient sans retard.


Le Tribunal fédéral considérait que les délais répondant à cette exigence dépendaient certes des circonstances et de la complexité des novas, mais que la réaction devait être rapide : l’introduction de novas devait intervenir au plus tard dans les cinq, sept ou dix jours dès leur découverte. C’est dire que le délai imparti était bref.


Les modifications apportées au 1er janvier 2025 ont dès lors pour objectif de faciliter les modalités temporelles d’allégation des novas proprement et improprement dits, en les détachant de la notion d’invocation sans retard.


Cette modification est bienvenue.


L’article 229 al. 2 et 2bis nCPC prévoit ainsi désormais que les novas proprement et improprement dits doivent être produits soit (i) dans le délai fixé par le tribunal ou en l’absence d’un tel délai, lors de la plus proche audience. Le CPC reste toutefois silencieux sur les modalités de fixation d’un tel délai.


    iii)       Le cumul objectif d’actions


Un demandeur peut être fondé à réclamer dans son action plusieurs prétentions à l’encontre d’un défendeur. Des règles strictes en la matière limitent toutefois considérablement le cumul de ces prétentions dans une seule action, en raison notamment de compétences matérielles qui peuvent varier, mais aussi de compétence à raison du for ou de la valeur litigieuse.


L’article 90 CPC fixe la règle en ce qui concerne la compétence matérielle et la procédure. N’est ainsi admis le cumul d’actions que pour autant que la compétence du même tribunal soit donnée pour les diverses prétentions, mais également si la même procédure est applicable auxdites prétentions.


A partir du 1er janvier 2025, l’article 90 nCPC est complété par un deuxième alinéa, qui offre la possibilité à un demandeur d’introduire une action cumulant plusieurs prétentions lorsque la compétence à raison de la matière ou la procédure sont différentes du seul fait de la valeur litigieuse. Le nouveau texte précise encore que si des procédures différentes sont applicables, les prétentions sont jugées en procédure ordinaire.


Cet assouplissement du régime fort rigoureux du cumul d’actions est également bienvenu et permet de tendre davantage vers une économie de procédure, en évitant le dépôt d’actions séparées.


    iv)       La consorité simple


Le CPC permet à plusieurs justiciables d’agir ou être actionnés ensemble (l’on réfère alors au terme de « consorts »), cela à certaines conditions, prévues à l’article 71 CPC. Dès le 1er janvier 2025, le régime prévu à l’article 71 nCPC est quelque peu modifié.


La nouvelle formulation de l’article 71 nCPC n’apporte pas de changement substantiel : les deux conditions existantes de connexité de prétention et d’identité de procédure sont maintenues, une troisième condition est toutefois ajoutée, à savoir que le même tribunal doit être matériellement compétent pour juger des prétentions émises par plusieurs ou contre plusieurs consorts. Cet ajout constitue une restriction supplémentaire à la possibilité de consorité simple.


    v)       La conciliation


Les nouveautés relatives au préalable de conciliation telles qu’entrées en vigueur au 1er janvier 2025 sont quant à elles quelque peu modifiées mais n’impacteront pas fondamentalement la pratique déjà bien établie des autorités de conciliation, des tribunaux et des plaideurs. Le principe de concilier d’abord, et juger ensuite se voit même renforcé. Nous présentons ci-dessous certaines des modifications apportées :


  • L’article 198 let. bbis nCPC prévoit désormais qu’il n’y a plus de procédure de conciliation lorsque l’action porte sur la contribution d’entretien des enfants mineurs et majeurs ou d’autres questions relatives au sort des enfants.
  • L’article 199 al. 3 nCPC prévoit désormais la possibilité à la partie demanderesse d’introduire l’action directement devant le tribunal dans les litiges relevant de la compétence d’une instance cantonale unique au sens des art. 5, 6 et 8 CPC, et donc de renoncer à une conciliation.
  • La transmission d’office d’une demande par une autorité incompétente à l’autorité compétente est désormais expressément prévue par la nouvelle teneur de l’article 143 al.1 bis nCPC. De tels cas ne seront donc plus sanctionnés par l’irrecevabilité de la demande adressée. Bien que le texte de loi se réfère au terme tribunal, il y a lieu d’admettre que les autorités de conciliation sont également visées par cette nouvelle disposition. 
  • Le principe de la comparution personnelle obligatoire des parties (sauf exceptions) lors de l’audience de conciliation prévue à l’article 204 nCPC précise (i) l’application de cette exigence aux personnes morales et (ii) la possibilité pour les consorts de se faire représenter par un autre consort.
  • La valeur litigieuse maximale pour formuler une « proposition de décision » (et non plus une proposition de jugement) est passée de CHF 5’000.- à CHF 10’000.-, tel que le prévoit l’article 210 al. 1 let. c nCPC.


    vi)       Les frais


La règlementation du nCPC en matière de frais a fait l’objet de modifications, du fait de la réforme du CPC visant à assurer une plus grande facilité d’accès à la justice. L’effet prohibitif des frais judiciaires considérables que les parties peuvent être amenées à avancer en procédure a été passablement critiqué et débattu dans la cadre de la révision du code. Il en est ressorti diverses modifications, entrées en vigueur au 1er janvier 2025.


Nous nous limitons ici à en exposer les deux principales :


  • Dans les procès en première instance, seule la moitié des frais présumés pourra désormais être exigée du demandeur à titre d’avance, tel que le prévoit l’article 98 nCPC ;
  • L’ancien article 111 CPC faisait peser sur les parties le risque lié à l’encaissement des frais judiciaires, en principe à celle ayant obtenu gain de cause. Le Tribunal compensait les frais judiciaires dus avec les avances versées, peu importe par quelle partie ces avances avaient été payées. Le nouvel article 111 nCPC fait désormais supporter ce risque à l’Etat, en ne permettant la compensation des frais judiciaires qu’avec les avances fournies par la partie qui doit supporter les frais. Les avances fournies par l’autre partie devant lui être restituées.


Conclusion


La révision du CPC entrée en vigueur au 1er janvier 2025 apporte certes des modifications, précisions ou clarifications bienvenues pour la plupart. A l’instar de toute révision législative toutefois, une place pour l’amélioration demeure, et de nombreux points devront sans nul doute être affinés et délimités par la jurisprudence, voire débattus en doctrine.

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