A l’approche de la votation du 24 novembre 2024, les journaux annoncent déjà « Le prochain combat sur le front du logement ». [1] Mais quel est ce prochain combat ?
Les deux objets concernant le droit du bail soumis à la votation du 24 novembre prochain ont déjà fait l’objet de précédents articles de la soussignée qui n’entend pas y revenir ici. Le présent article s’interroge donc uniquement sur le « prochain combat » qui est annoncé par la presse et que le Centre patronal qualifie de « Lutte contre le squat »[2]et donne quelques informations à ce sujet.
S’agissant de l’historique, le conseiller national Olivier Feller a déposé au Conseil national en juin 2015 déjà une motion (15.3531) demandant au Conseil fédéral de prendre les mesures nécessaires pour que les propriétaires d’immeubles occupés illégalement puissent exercer leur droit de reprise prévu dans le Code civil à des conditions moins restrictives. Le Conseil national puis le Conseil des Etats ont accepté cette motion en 2017. Lors de sa séance du 2 septembre 2020, le Conseil fédéral a mis en consultation des propositions en ces sens et a établi un rapport explicatif[3].
Lors de sa séance du 15 décembre 2023, le Conseil fédéral a adopté un projet. Selon le communiqué aux médias, ce projet vise « à renforcer les droits des possesseurs d’immeubles confrontés à une occupation, et en particulier le droit de défense : la loi dira désormais à partir de quand court le délai dont disposent les possesseurs pour reprendre leur immeuble et expulser les usurpateurs par un recours proportionné à la force. Le nouvel instrument de l’injonction permettra par ailleurs au juge d’ordonner plus facilement l’évacuation à l’encontre d’un cercle d’occupants inconnus »[4]. Le projet prévoit la modification de l’article 926 al. 2 et 3 du Code civil, la modification de l’article 248 let c du Code de procédure civile et l’adoption de nouveaux articles 260a et 260b également dans le Code de procédure civile[5].
Le projet du Conseil fédéral vise à simplifier les interventions contre les occupations illicites d’immeuble et porte en réalité sur trois éléments :
L’article 926 al. 1 CC a la teneur suivante et reste inchangé : « Le possesseur a le droit de repousser par la force tout acte d’usurpation ou de trouble ».
Le texte actuel de l’article 926 al. 2 CC est le suivant : « Il peut, lorsque la chose lui a été enlevée par violence ou clandestinement, la reprendre aussitôt, en expulsant l’usurpateur s’il s’agit d’un immeuble et, s’il s’agit d’une chose mobilière, en l’arrachant au spoliateur surpris en flagrant délit ou arrêté dans sa fuite ».
Le Conseil fédéral propose le nouveau texte suivant pour l’article 926 al. 2 CC : « Lorsque la chose lui a été enlevée par violence ou clandestinement, il peut la reprendre, aussitôt après avoir eu connaissance de l’usurpation en ayant fait preuve de la diligence requise, en expulsant l’usurpateur s’il s’agit d’un immeuble et, s’il s’agit d’une chose mobilière, en l’arrachant au spoliateur surpris en flagrant délit ou arrêté dans sa fuite ».
Le texte actuel de l’article 926 al. 3 CC est le suivant : Il (donc le possesseur) doit s’abstenir de toutes voies de fait non justifiées par les circonstances.
Le nouveau texte proposé par le Conseil fédéral est le suivant : « Il doit s’abstenir de toutes voies de fait non justifiées par les circonstances ; Les autorités compétentes lui assurent en temps utile l’intervention requise par les circonstances ».
Dans son Rapport explicatif relatif à la modification du code civil du 2 septembre 2020, le Conseil fédéral explique ce qui suit : « L’art. 926, al. 3, AP-CC précise l’intervention de l’autorité sur deux points. D’une part, le possesseur ne pourra user de la force pour protéger son bien que si les autorités compétentes ne peuvent lui assurer en temps utile l’intervention requise par les circonstances. […]. D’autre part, la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral en rapport avec l’obligation d’intervenir de la police est codifiée. Cela dit, le droit fédéral ne peut que préciser le principe de la proportionnalité en rapport avec la protection de la possession, dans la mesure où les cantons ont la compétence législative en matière de droit policier et où les obligations de protection qui découlent des droits fondamentaux ne sont pas absolues. Les principes de l’opportunité et de la subsidiarité continueront donc de s’appliquer et la latitude dont disposent les autorités de police lorsqu’il s’agit d’évacuer des immeubles occupés demeurera intacte ».
Dans son Rapport explicatif susmentionné, le Conseil fédéral explique ce qui suit : « …, il est prévu d’adapter le CPC de manière à le rendre plus favorable aux possesseurs. Les mesures de protection de la possession telles que la mise à ban (art. 258 ss CPC) seront étendues. La nouvelle ordonnance judiciaire en tant qu’acte de juridiction gracieuse renforcera la protection de la possession et, partant, la protection de la propriété. Conformément à l’avant-projet, une telle ordonnance pourra être demandée au juge en cas d’occupation illicite, mais aussi pour tout acte de trouble ou d’usurpation d’un immeuble. Il s’agit, dans l’esprit du droit en vigueur, de renforcer la protection de la possession et de la propriété dans son ensemble et pas seulement la protection contre les occupations illicites. La nouveauté essentielle réside dans le fait que le juge pourra ordonner la suppression du trouble et la restitution de la possession en s’adressant à un cercle de personnes indéterminé. Les personnes subissant une occupation illicite n’auront plus de la sorte à endurer des désagréments procéduraux liés au fait qu’il est impossible de déterminer qui sont les squatters, notamment parce qu’ils changent régulièrement. Pour que les personnes visées par l’ordonnance judiciaire jouissent de leurs droits procéduraux, les principes régissant la mise à ban s’appliqueront par analogie ».
Le Conseil fédéral propose d’introduire un nouvel article 248 let. c CPC qui aura la teneur suivante : « La procédure sommaire s’applique: c. à la mise à ban générale et à l’ordonnance de portée générale ».
Mais c’est surtout l’introduction des nouveaux articles 260a CPC et 260b CPC qui est la nouveauté.
Le nouvel article 260a aura la teneur suivante : « Celui dont la possession sur un immeuble est troublée ou usurpée peut exiger du tribunal qu’il ordonne la cessation du trouble ou la restitution à l’encontre de personnes inconnues. Le requérant doit apporter la preuve de sa possession par titres et rendre vraisemblable l’illicéité du trouble ou de l’usurpation. Le tribunal statue immédiatement et prend les mesures d’exécution qui s’imposent ».
Quant au nouvel article 260b CPC, il aura la teneur suivante : « Le délai d’opposition est de dix jours à compter du jour où l’avis est publié et placé sur l’immeuble ; au surplus, les art. 259 et 260 s’appliquent par analogie ».
Ainsi si combat sur le front du logement il y aura, pour la soussignée, c’est certainement sur ces nouvelles dispositions du Code de procédure civile qu’il portera. Mais comme c’est souvent le cas lorsque les logements sont concernés en Suisse, les représentants des locataires ont certainement tort de crier au loup trop vite et les propriétaires ont certainement tort de se réjouir trop vite.
[1] https://www.tdg.ch/votations-le-combat-sur-le-front-du-logement-est-programme-488933144018
[2] https://www.centrepatronal.ch/actualites/amenagement-territoire-immobilier/lutte-contre-le-squat-oui-au-projet-de-revision-du-code-civil/
[3] https://www.rhf.admin.ch/bj/fr/home/aktuell/mm.msg-id-80256.html
[4] https://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/aktuell/mm.msg-id-99423.html
Vous avez des questions par rapport à la problématique abordée dans cet article ?
Nos avocats aiment et comprennent le droit des affaires, sur le plan suisse et sur le plan international. Ils sont très réactifs et portent les affaires de leurs clients aux fins d’y trouver la meilleure solution juridique et pratique. Ils sont au bénéfice d’une expérience internationale de plusieurs années en droit des affaires. Ils maîtrisent plusieurs langues étrangères et disposent de correspondants dans le monde entier.
Avenue de Rumine 13
Case Postale
CH – 1001 Lausanne
+41 21 711 71 00
info@wg-avocats.ch
©2024 Wilhelm Avocats SA – Politique en matière de confidentialité – Réalisation Mediago