Le 8 septembre 2022, le Tribunal fédéral a été amené à se prononcer dans l’affaire 4A_158/2022 sur la possibilité d’enregistrer la marque verbale « Butterfly » en relation avec des sacs, valises et autres porte-documents (classe 18), des vêtements et chaussures (classe 25) et des jouets (classe 28).
Rappelons qu’aux termes de l’art. 2 lit. a LPM, sont exclus de la protection les signes appartenant au domaine public. En font notamment partie les signes considérés comme étant descriptifs en ce sens que les acheteurs potentiels sont susceptibles de les associer directement aux propriétés ou aux caractéristiques des produits ou services pour lesquels la protection est revendiquée.
De l’avis de beaucoup de praticiens, l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle, dont la qualité peut au demeurant assez largement être louée, suit une pratique restrictive en la matière, aboutissant parfois à des résultats pour le moins critiquables.
Prenons comme exemple la classe 9, qui se réfère en particulier aux logiciels et autres supports de données. Voit ainsi le plus souvent son signe qualifié de descriptif le déposant dont la marque se réfère potentiellement au contenu incorporé sur ledit support. Autrement dit, à en croire cette pratique, serait exclu de la protection toute marque susceptible d’être comprise par les acheteurs des supports de données comme se référant au contenu figurant sur ledit support.
Pour ma part, une telle pratique m’a toujours paru pour le moins critiquable ; ne devrait me semble-t-il être considéré comme revêtant un caractère descriptif que le signe susceptible d’être compris comme revêtant un tel caractère descriptif par rapport aux produits ou services couvert par la classe dans laquelle la protection est revendiquée, tels qu’ils sont énoncés dans l’enregistrement.
Autrement dit, si l’on reprend l’exemple de la classe 9, la question serait alors de savoir si, dans l’esprit des acheteurs, le terme en question revêt un caractère descriptif du logiciel ou du support de données lui-même, et non du contenu qui y est incorporé, lequel peut être des plus variés. Inutile de dire que la réponse est alors bien souvent toute autre.
Suivant somme toute une approche comparable, l’Institut avait refusé de procéder à l’enregistrement du terme « Butterfly » pour bon nombre de produits en les classes notamment susmentionnées, un refus que le Tribunal administratif fédéral, plus généreux, avait d’ores et déjà relativisé en admettant plus largement l’enregistrement, mais en le refusant néanmoins pour les produits indiqués en préambule.
Ne restait dès lors plus au déposant qu’à espérer une approche plus libérale du Tribunal fédéral. Si le cas d’espèce demande évidemment à être confirmé par la suite, les plaideurs peuvent espérer qu’une porte menant à une nouvelle pratique a désormais été entrouverte par le Tribunal fédéral.
La Cour Suprême a en effet considéré que le terme « Butterfly », généralement compris par une majeure partie du public suisse comme signifiant « papillon » et l’interprétant comme un symbole de liberté et de joie, était régulièrement utilisé comme motif depuis de nombreuses années dans l’industrie du textile.
Contrairement à des termes comme « GOLD BAND », aisément compris par le public de fumeurs comme se référant pour des produits du tabac à la petite bande dorée qu’il est de tradition d’utiliser pour l’ouverture des emballages, le terme « Butterfly » n’est pas aussi évocateur et directement associé dans l’esprit du public à une idée particulière en relation avec des sacs ou vêtements (et encore moins jouets).
Comme le souligne le Tribunal fédéral, en décider autrement reviendrait à dire que n’importe tel quel terme susceptible d’évoquer une forme ou un motif particulier devrait ainsi être exclu de l’enregistrement pour ces produits, ce qui n’a pas lieu d’être :
« […] ist zunächst festzuhalten, dass es selbstredent nicht angeht, jedes Wortzeichen, das auf eine bestimmte denkbare, mögliche Form oder ein bestimmtes denkbares, mögliches Motiv für Gepäck, Kleider, Schuhe oder Spielzeug Bezug nimmt, wegen beschreibenden Charakters vom Markenschutz auszunehmen. Andernfalls wären für diese Waren nur noch Begriffe als Marken schützbar, die sich nicht gegenständlich darstellen. Dies ginge zu weit, […]. »
Seul doit ainsi être considéré comme descriptif et exclu ce qui revêt un tel caractère par rapport à la catégorie de produits en cause pour lesquels la protection est revendiquée. Tel n’est à l’évidence pas le cas du terme « Butterfly », tant les alternatives possibles sont nombreuses. Quant au besoin absolu de disponibilité, il est inexistant s’agissant du terme verbal, dont la protection ne saurait ici s’étendre au motif graphique lui-même représentant un papillon.
L’approche prônée dans cette affaire par le Tribunal fédéral peut être saluée.
Semblant remettre l’église au milieu du village, le Tribunal fédéral semble opter pour une approche restrictive de la notion de caractère descriptif. Cet arrêt pourrait-il être interprété en ce sens que ne doit revêtir un tel caractère qu’un terme susceptible d’être considéré comme tel par rapport à la catégorie elle-même de produits ou de services pour lesquels la protection est revendiquée ? Ne serait dès lors plus descriptif un terme susceptible d’être compris par le public et utilisé en relation avec lesdits produits de manière somme toute générale et, le cas échéant, pour des produits appartenant à différentes classes, mais uniquement s’il l’est par rapport à la catégorie de produits ou services en cause.
Cette approche me paraît correcte. Il reste à voir s’il s’agit d’un cas d’espèce et si l’Institut en tiendra désormais compte dans sa pratique, ce que l’on peut espérer, tant cette pratique apparaît saine et ne pas nuire au bon fonctionnement de la concurrence. Affaire à suivre.
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