Au contraire des membres du conseil d’administration lors de séances de celui-ci, les actionnaires d’une société anonyme de droit suisse peuvent se faire représenter lors des assemblées générales.
Le principe et les modalités du droit à être représenté sont prévus aux articles 689 à 690 CO.
Cette représentation peut avoir lieu, (1) soit par un autre actionnaire, (2) soit par un membre des organes de la société, généralement par un membre du conseil d’administration, (3) soit par un représentant indépendant, (4) soit par un tiers non actionnaire, (5) par exemple un dépositaire agréé au sens de la loi fédérale sur les banques, soit, (6) dans le cas de propriété commune des actions, par un représentant commun, ou (7) encore par l’usufruitier.
Les statuts de la société peuvent contraindre ses actionnaires à n’être représentés que par un autre actionnaire.
Si la société propose à ses actionnaires d’être représentés par un membre de ses organes, la société doit offrir à ces actionnaires de pouvoir confier la représentation de leurs doits à un représentant indépendant en lieu et place de cet organe.
Quel qu’il soit, le représentant doit pouvoir justifier de ses pouvoirs lors de l’assemblée générale par une procuration établie en la forme écrite. Le conseil d’administration présidant à l’organisation de l’assemblée générale veillera donc à demander la justification des pouvoirs du représentant et la preuve de son identité.
Bien que l’article 689b CO pose le principe de l’obligation du représentant de suivre les instructions du représenté, nous sommes d’avis, suivant en cela la doctrine majoritaire (CR CO II – RITA TRIGO TRINDADE, art. 689a CO N 33), que la violation par le représentant des instructions de vote qui lui sont confiées n’a pas pour effet de permettre l’annulation de l’assemblée générale. La société n’a donc pas à se préoccuper du fait de savoir si le représentant respecte les instructions qu’il a reçues. Les termes des rapports juridiques entre l’actionnaire et son représentant ne concernent qu’eux. Le cas échéant, l’actionnaire pourra attraire le représentant en réparation du dommage que la violation de ses instructions lui a éventuellement causé. Tel est le cas du client de la banque dépositaire qui n’a pas suivi les instructions de son client déposant ou de l’usufruitier qui n’a pas pris en « équitable considération » les intérêts du nu-propriétaire. Encore faudra-t-il prouver le dommage subi et établir le lien de causalité adéquate entre la violation et ce dommage, ce qui est loin d’être aisé en pratique et source de procès longs et coûteux au sort incertain.
Dans sa teneur actuelle, le droit suisse prévoit qu’en l’absence d’instructions, le dépositaire et le représentant indépendant suivront les propositions du conseil d’administration. Le nouveau droit de la SA, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2023, prévoit au contraire que lorsqu’il n’a pas reçu d’instruction, le dépositaire et/ou le représentant indépendant doit(-vent) s’abstenir.
Comme relevé plus haut, les actions en propriété commune, soit les actions non encore réparties entre les héritiers d’une succession indivise, doivent être uniquement représentées par un « représentant commun » au sens de l’article 690 al. 1 CO. En cas de violation de cette obligation, les actions doivent être considérées comme non représentées à l’assemblée générale et elles n’entreront donc pas en compte dans le décompte des voix émises selon l’article 703 CO. Les héritiers qui n’arrivent pas à s’entendre sur la personne du « représentant commun » sont tenus de faire appel au juge qui statue en procédure sommaire. Cette démarche est indispensable, le Tribunal fédéral ayant récemment jugé qu’un des héritiers actionnaires ne saurait se prévaloir de l’urgence pour agir seul en tant que titulaire des actions indivises sans passer la désignation du « représentant commun » (cf. ATF du 28 août 2017 4A_516/2016).
L’article 689e CO prévoit que les représentants distingués ci-dessus doivent communiquer au conseil d’administration le nombre, l’espèce, la valeur nominale et la catégorie d’actions qu’ils représentent. La loi sanctionne l’absence ou l’existence d’un défaut dans cette communication par l’annulabilité de l’assemblée générale selon les règles de l’article 691 al. 3 CO. Dans ce cas, les actions représentées mais non annoncées ne seront pas considérées comme ayant été exercées et le résultat du vote peut en être modifié. Si tel n’est pas le cas, l’assemblée ne sera pas annulée, le Tribunal fédéral appliquant le principe selon lequel le vice de procédure formel ne peut entraîner la nullité des décisions attaquées que si un déroulement correct de la procédure aurait abouti à des décisions différentes (cf. ATF précité, consid. 2.3).
Le président de l’assemblée doit communiquer aux actionnaires présents les informations reçues des représentants sur les actions représentées. Cette communication ne doit toutefois qu’être globale pour chaque mode représentation. S’il omet de le faire, malgré la demande d’un actionnaire, cette omission peut entraîner l’annulabilité de l’assemblée, les mêmes principes légaux et jurisprudentiels susmentionnés étant applicables à cette action.
On le voit, la représentation des actionnaires à l’assemblée générale est loin d’être un sujet facile. Le conseil d’administration se doit pourtant d’en maîtriser les détails et d’en anticiper l’exécution dans l’organisation de l’assemblée générale sous peine de voir celle-ci remise en cause judiciairement par certains des actionnaires.
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